La Commission européenne a proposé ce lundi l’interdiction des «dix produits en plastique à usage unique les plus présents sur les plages et dans les mers européennes». Après de premières mesures prises en 2015 pour remédier au problème des sacs en plastique, l’UE élargit son spectre d’action pour s’attaquer aux objets de consommation les plus polluants, qui représentent 70% des déchets marins en Europe. La Suisse pourrait se retrouver à la traîne. Les nouvelles règles proposées par la Commission européenne visent un changement drastique des modes de consommation. Bâtonnets de coton-tige, couverts et assiettes en plastique, pailles, ou encore bâtonnets mélangeurs pour boissons seront interdits.

Une petite résistance helvétique

Selon la Commission, des solutions de remplacement durables «facilement disponibles et peu coûteuses» existent pour ces objets. Les Etats membres devront également réduire l’utilisation des «récipients alimentaires et gobelets pour boissons» sur leur territoire. Les fabricants sont associés à l’effort collectif: ils seront tenus de prendre en charge une partie des frais de nettoyage des déchets. 

«Cela va dans le bon sens», déclare Isabelle Chevalley, conseillère nationale vert’libérale, qui a fait de la chasse aux déchets l’un de ses principaux chevaux de bataille. La politicienne doute cependant que la Suisse suive le mouvement: «Je m’attends à une forte résistance de la part de la droite.»Pour mémoire, le parlement avait refusé l’interdiction des sacs en plastique en 2016, jugeant qu’un accord de branche était suffisant. La restriction actuellement en vigueur (vente des sacs à 5 centimes aux caisses Coop et Migros) a toutefois permis de faire baisser leur consommation de 84% en deux ans. «Mais les sacs à légumes restent gratuits, déplore Isabelle Chevalley, et il reste encore 16% de gaspillage.»

Une gestion écologique

Les écologistes suisses essaient timidement de faire changer les choses. En mars de cette année, un postulat intitulé «Comment assurer à l’avenir une gestion écologique, efficiente et économiquement viable des matières plastiques?» a été déposé par la conseillère nationale verte, Adèle Thorens. Celui-ci encourage le Conseil fédéral à tenir compte de la stratégie européenne et à «dessiner les futures pistes à suivre». Salué par Greenpeace, «le texte permet toutefois une très large latitude d’interprétation», critique l’ONG internationale.

Le Conseil fédéral a proposé son acceptation. A droite, la question écologique continue de susciter une certaine méfiance: «Le but de réduire les plastiques est louable, dit Olivier Feller, conseiller national PLR. Mais il faut à tout prix qu’un marché de substitution existe pour ces objets à un prix supportable pour l’ensemble des populations.» Quid d’un changement d’habitude? «Il y a un effort à faire, admet le Vaudois, mais faut-il passer par l’interdiction?» En 2014, l’UDC s’est également inquiétée de voir le développement des activités de recyclage faire baisser le volume de déchets, menaçant ainsi l’exploitation des usines d’incinération.

Le Conseil fédéral s’est toutefois montré rassurant dans sa réponse: «En raison des habitudes de consommation et de la croissance démographique constante, il est peu probable que la quantité de déchets diminue à moyen terme.». Cette perspective ne rassure pas Greenpeace: «Nous sommes en retard, dit Marco Pfister, chargé de campagne plastique pour l’ONG en Suisse. En moyenne, nous produisons toujours plus de 700 kg de déchets annuels par habitant. Les initiatives actuelles sont insuffisantes.»