En découpant la France, Berne redonne le sourire aux cantons frontaliers
Pandémie
De Genève à Bâle, c’est le soulagement qui prévaut. Certains estiment désormais qu’il faut revoir le seuil qui permet de placer un pays sur liste rouge

Trois mots: pragmatisme, proportionnalité, modestie. C’est ainsi que le conseiller fédéral Alain Berset a résumé la décision du gouvernement de découper la France pour éviter la quarantaine aux cantons frontaliers. En réalisant une pesée d’intérêts, il exempte les régions frontalières d’un nouveau traumatisme. Les Genevois, Jurassiens, Neuchâtelois ou Vaudois qui voudront faire leurs courses ou rendre visite à des proches de l’autre côté de la frontière peuvent respirer.
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«Nous sommes très satisfaits du dispositif retenu car il n’y aura ainsi pas d’impact négatif sur notre région», réagit le président du Conseil d’Etat genevois, Antonio Hodgers. Genève notamment avait engagé toutes ses forces pour plaider la souplesse à Berne, qui a pris son temps pour décider. Berne, où une certaine tension se manifeste entre l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) d’un côté, et le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de l’autre, le premier évoluant sur le registre épidémiologique, le second les yeux tournés vers la libre circulation.
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Même sentiment dans le Jura: «C’est une solution pragmatique qui permet de garder l’équilibre entre les mesures sanitaires nécessaires et l’activité économique, culturelle et sociale de nos régions», estime Jacques Gerber, ministre de l’Economie et de la Santé. Sans pour autant faire preuve d’un optimisme immodéré: «Il faut maintenant espérer que ces régions françaises n’atteignent pas le niveau de mise en quarantaine.» Si cela devait être le cas, le spectre réapparaîtrait, hormis pour les travailleurs frontaliers, exemptés de l’obligation de quarantaine dans l’ordonnance covid. Pour l’heure, le niveau de prévalence est identique dans le Jura suisse et français. En revanche, Genève est plus touchée par le virus que la Haute-Savoie: «Il est paradoxal qu’on mette en quarantaine des gens qui reviennent de régions françaises moins contaminées que Genève et Vaud», complète Antonio Hodgers.
«La vérité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui»
Par conséquent, le ministre genevois estime qu’on ne pourra pas s’épargner une réflexion sur le seuil de nouvelles infections, fixé à 60 pour 100 000 personnes, pour figurer sur la liste des pays à risque. Car si la hausse du nombre de cas est alarmante, ni le nombre de décès ni le nombre d’hospitalisations ne sont en hausse: «Ce seuil n’est-il pas trop sévère? Il a été calibré par rapport à ce qu’on a vécu lors de la première vague, et je pose la question de sa pertinence dans un contexte qui paraît sensiblement différent.» Une réflexion qui est partagée par Jacques Gerber: «L’indicateur des cas avérés est certes important, mais on pourrait avoir des indicateurs multidimensionnels, comme le taux d’hospitalisations, le nombre de malades aux soins intensifs, le nombre de tests. La vérité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui.»
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Alain Berset n’a d’ailleurs pas caché l’incidence du nombre de tests sur la proportion de personnes positives. Directeur général de la Fédération des entreprises romandes (FER), Blaise Matthey insiste: «La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, que nous avons rencontrée, est aussi consciente qu’il n’y a pas de sens à s’en tenir au nombre d’infections sans les corréler au nombre d’hospitalisations.» Soulagés eux aussi, les milieux économiques, qui estimaient, comme l’Union suisse des arts et métiers (USAM), qu’une classification générale ne serait pas viable sur le plan économique.
En France, c’est aussi le soulagement, comme en atteste Antonio Hodgers: «Les Français ne voulaient pas non plus revivre les souffrances de ce printemps. Nous sommes dans un même bassin de vie, donc dans un même bassin sanitaire. Nous sommes ensemble, pour le meilleur et pour le pire, en quelque sorte.»