Après avoir beaucoup tergiversé, le Conseil fédéral a pris des mesures visant à endiguer la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus. Pour une durée encore indéterminée, il a décrété la fermeture des discothèques et des boîtes de nuit, alors que les bars et les restaurants pourront rester ouverts jusqu’à 23 heures. Il a limité toutes les manifestations publiques de plus de 50 personnes et les réunions privées de plus de 10 personnes. Il a aussi autorisé les tests rapides, ceux dont le résultat est connu dans les 15 minutes, ce qui permettra d’augmenter la capacité des tests à 80 000 par jour au lieu des 30 000 aujourd’hui.

Le moment était certes moins solennel que le 16 mars dernier lorsque quatre membres du Conseil fédéral avaient lancé un appel à l’unité nationale en mettant quasiment le pays sous cloche. Mais la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga n’a pas caché la gravité de la situation. «Nous n’avons plus de temps à perdre si nous voulons éviter un deuxième confinement pour que nos hôpitaux ne soient pas débordés», a-t-elle déclaré. «Nous devons absolument diminuer de moitié le taux de reproduction du virus», a ajouté le ministre de la Santé Alain Berset.

Non à un deuxième confinement

Ces quelques chiffres ont constitué un choc: en ce mercredi 28 octobre, l’on a enregistré 8600 nouveaux cas de coronavirus sur un total de 30 000 tests, soit un taux de positivité de 28%. Ce n’est pas tout. L’indicateur du taux de doublement des nouveaux cas est encore plus inquiétant. Au début du mois de septembre, il se situait encore à 34 jours, alors qu’il a désormais chuté à 6,4 jours, soit moins d’une semaine. «La situation épidémiologique est catastrophique. Il y a déjà plus d’hospitalisations que ce printemps dans plusieurs cantons», s’alarme le président de la Société de médecine de Suisse romande Philippe Eggimann. Ce dernier aurait souhaité des mesures plus draconiennes: «En mars, le Conseil fédéral avait décrété le droit d’urgence avec une situation objectivement moins grave et des perspectives moins sombres. Les vacances d’hiver n’auront pas lieu si les mesures prises aujourd’hui ne sont pas suivies d’un effet rapide.»

Le Conseil fédéral a donc renoncé à prononcer un deuxième semi-confinement et n’a donc répondu que partiellement aux attentes de nombreux spécialistes de la santé. Depuis trois semaines, les scientifiques imploraient le Conseil fédéral de sortir de sa passivité, soulignant que chaque jour compte. Mais le gouvernement a longtemps hésité, bien que Simonetta Sommaruga ait déjà tiré la sonnette d’alarme en disant le 15 octobre qu’il était «minuit moins cinq» au terme d’une «rencontre au sommet» avec les cantons. «N’a-t-on pas perdu au moins dix jours?» pouvait-on donc se demander.

L’échec de la stratégie actuelle

Le Conseil fédéral s’est montré fort embarrassé au moment de répondre à cette question. «Il ne faut pas paniquer, mais avancer», a relevé Alain Berset, avant de concéder «qu’il fallait reprendre le contrôle de la situation». Une déclaration en forme d’aveu. La collaboration entre la Confédération et les cantons, telle qu’elle est prévue par la loi sur les épidémies dans l’actuel état de «situation particulière», n’a pas fonctionné à satisfaction. La stratégie «d’atténuation», tablée sur le traçage des cas par les cantons pour suivre la transmission du virus, a clairement atteint ses limites. Il est temps de passer à une stratégie «d’endiguement».

Pour y parvenir, le Conseil fédéral prend des mesures moins dures que dans les pays voisins, notamment en France et en Allemagne. Il ferme les discothèques et les boîtes de nuit, mais en prenant soin de laisser les restaurants ouverts jusqu’à 23h. Il a ainsi entendu le cri d’alarme lancé mardi par Gastrosuisse, craignant la perte de 100 000 emplois dans ce secteur. Mais les restaurants doivent se limiter à des tables de quatre personnes et recueillir les données de leurs clients.


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Un coup dur pour la culture

Pour le sport, mais aussi pour la culture, l’interdiction d’accueillir plus de 50 personnes est un nouveau coup dur. Si certains lieux ont choisi de mettre leurs activités en suspens à l’image de la salle des Docks à Lausanne, d’autres tiennent en revanche à ne pas lâcher leur public, à l’instar du Théâtre Kléber-Méleau à Renens. «Hier soir, à la première du Conte des contes, de Giambattista Basile, le public était d’un enthousiasme galvanisant. Il répond présent. C’est à nous de trouver des solutions», témoigne son directeur Omar Porras.

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En prenant ces mesures, le Conseil fédéral empiète largement sur les libertés individuelles, y compris dans la sphère privée. Il limite les fêtes familiales, les mariages et les enterrements, car c’est aussi à ces occasions que le virus se transmet insidieusement. A l’extérieur, le gouvernement étend le port du masque de protection dans les centres-villes, notamment dans les zones piétonnes et les marchés où la concentration de personnes ne permet pas de respecter les distances physiques. Celles et ceux qui ne s’y conforment pas seront-ils sanctionnés? «Cela n’est pas exclu, mais au printemps dernier, la police a montré qu’elle savait faire preuve de doigté avant d’infliger des amendes», a rassuré Alain Berset.

Le Conseil fédéral a donc préféré des mesures chirurgicales ciblées au scalpel à un deuxième semi-confinement. Sera-ce suffisant? Alain Berset l’espère, mais rien n’est moins sûr. Un indicateur inquiète, celui de la mobilité. Celle-ci avait chuté au printemps dernier, alors qu’elle ne s’est réduite que de 25% ces dernières semaines.

Collaboration: Stéphane Gobbo