Se laver les mains en arrivant à l’école et au retour de la récréation. Le matin et l’après-midi. Dans le milieu scolaire vaudois comme dans les autres cantons, les règles d’hygiène sont strictes. Pour ne laisser aucune chance au virus, elles s’accompagnent de protocoles rigoureux: «Au moins deux fois par jour», toutes les surfaces, tables, interrupteurs, rampes d’escalier, photocopieurs, ordinateurs et autres poignées de portes et fenêtres sont désinfectés. Les sols sont également ripolinés chaque soir. Permanent, ce récurage méthodique aurait ravi Petisuix dans Astérix chez les Helvètes. Sa récurrence et sa toxicité interrogent cependant les experts.

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Privilégier les remèdes de grand-mère

«Désinfectons, mais désinfectons bien», écrit ainsi Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l’Université de Lausanne. Dans une lettre envoyée à plusieurs parlementaires fédéraux, elle attire l’attention sur les risques suscités par certains produits: «La désinfection des mains fait partie des gestes barrières contre le Covid-19 et elle est nécessaire, salue-t-elle. Mais les produits désinfectants contiennent des substances chimiques toxiques très puissantes qui peuvent avoir des conséquences non négligeables sur la santé, surtout s’ils sont utilisés sans précautions particulières.»

Eczéma, asthme, intoxications par inhalation, brûlures cutanées ou oculaires, perturbations endocriniennes, l’usage et le dosage de désinfectants doivent être bien réfléchis, avertit la scientifique. D’autant que si certains produits désinfectants sont efficaces contre les bactéries, ils ne sont pas forcément pertinents contre un virus. L’utilisation récurrente d’agents désinfectants préoccupe en outre la chercheuse pour son impact sur l’environnement: «Toutes ces substances finissent par atterrir dans nos eaux de surface, qui sont elles-mêmes sources de notre eau potable», rappelle-t-elle.

«Eviter les solutions hyper-sophistiquées»

Pour limiter les effets pervers sur la santé et la planète, «il faut éviter les solutions hyper-sophistiquées, conseille Thierry Buclin, médecin-chef du service de pharmacologie clinique du CHUV. Il est inutile de chercher un désinfectant de la énième génération qui tue également les parasites et les champignons, remplis d’adjuvants et de molécules de synthèse. Nous sommes passés par des décennies d’innovations chimiques durant lesquelles les fabricants ont développé des produits de plus en plus ciblés. Mais leur utilisation indiscriminée va dans une très mauvaise direction.»

Que ce soit au sein des écoles comme à l’intérieur des bars, restaurants et wagons CFF, le praticien appelle à une saine sobriété: «Contre la contamination virale, les produits classiques sont les meilleurs. Pour se laver les mains comme pour les surfaces, de l’eau et du simple savon suffisent. C’est efficace et peu irritant pour la peau. Si ce n’est pas possible, je préconise un gel hydroalcoolique élémentaire. En application assidue, cette solution finit par être irritante, mais le personnel soignant se désinfecte les mains entre chaque patient et s’en accommode généralement plutôt bien. Ces deux solutions sont faites à base de molécules naturelles très peu offensives du point de vue sanitaire et écologique.»

«Les désinfections seront bientôt allégées»

En 2019, la ville de Lausanne s’était justement penchée sur la toxicité des produits utilisés sur son territoire. «Nous avons rapidement constaté que les molécules de synthèse étaient partout, raconte Natacha Litzistorf, municipale (Verte) chargée du logement et de l’environnement. Devant l’impossibilité de toutes les éliminer au sein du chef-lieu vaudois, nous nous sommes concentrés sur les citoyens les plus vulnérables: les enfants.» L’expérience a débouché sur un guide des bonnes pratiques à destination des professionnels comme des parents. Réduction de la panoplie de produits, liste des nettoyants garantis sans perturbateurs endocriniens, mais aussi conseils simples afin de ne pas suffoquer – aérer par exemple.

Au niveau du canton de Vaud, aucune liste de «bons produits» n’existe pour s’occuper de la désinfection des écoles. «Les communes ont ça dans leurs mains», explique Julien Schekter, porte-parole du département de l’éducation. Pas de quoi s’inquiéter pour autant selon lui: «Des professionnels du nettoyage s’en occupent pendant la crise comme ils le faisaient avant. Ils savent très bien ce qu’ils font.» Alors que les classes actuellement séparées en petits groupes pourraient bientôt reprendre l’enseignement au complet, le communicant souligne qu’en revenant à la normale «les désinfections et mesures sanitaires particulières devraient quoi qu’il en soit très prochainement être allégées».