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Deux sociétés financières tentent de séduire la crème des remontées mécaniques suisses

Alp Project ou Swissalp? Deux sociétés financières en gestation prétendent subvenir aux besoins des stations de ski suisses. Des projets aux philosophies très proches mais que la nationalité oppose

Après l'entrée de la Compagnie des Alpes (CDA) dans le capital de Téléverbier, les cris d'orfraie de quelques riches actionnaires et une obscure action en justice (Le Temps du 29 juin), une question demeure: comment assurer le développement des sociétés de remontées mécaniques? De l'avis général, l'endettement de cette branche s'élève à 22 milliards de francs, et un tiers des sociétés existantes sont condamnées, à moins d'un rapprochement ou d'une fusion. Les têtes pensantes de la profession réfléchissent à la holding miracle qui pourrait réunir les stations encore rentables pour attirer les investisseurs. Deux groupes se penchent particulièrement sur la question et, hasard non fortuit, chacun d'eux rassemble des protagonistes de la polémique valaisanne née avec l'entrée en Bourse de Téléverbier.

Intégrer les partenaires locaux

La seule holding réellement constituée aujourd'hui se nomme Swissalp, c'est une création de la française CDA. «Ce sera simplement le vecteur de notre développement en Suisse, rassure Eric Guilpart, le porte-parole de la compagnie. Quand nous intervenons à l'étranger, nous cherchons naturellement à intégrer des partenaires locaux.» En fait, après la vague nationaliste qui a suivi l'arrivée de la CDA dans le capital de Téléverbier, les conseillers de la compagnie française l'ont exhortée à ne plus investir directement dans une société helvétique. Plus diplomatique serait «d'apporter un savoir-faire hérité de la CDA et d'Intrawest (société canadienne partenaire de la CDA) à un actionnariat majoritairement suisse», explique un proche du dossier. Swissalp a ainsi repris les négociations avec Crans-Montana, et des membres du conseil d'administration iront bientôt visiter des stations de la CDA en France. La holding ne cache pas vouloir essentiellement rassembler le fleuron des stations de sport d'hiver suisses. «Vous n'attirerez aucun investisseur si la moitié de la holding est constituée de sociétés moyennes!», justifie un informateur.

La précision vise Philippe Lathion, patron de Télé-Nendaz, dont le «Alp Project» concurrent voudrait soutenir davantage d'entreprises. «Si nous parvenons à conserver les plus grosses sociétés, elles seront les locomotives qui tireront les wagons pouvant encore être sauvés, explique Philippe Lathion. Au Monopoly, sans les cartes bleues vous n'avez aucune chance.» En face, on rétorque que le projet manque de sélectivité. «Un fourre-tout: à vouloir soutenir des stations aux actionnaires épars, souvent impliqués dans la politique locale et aux ambitions trop diverses, on perd de vue l'enjeu majeur: les remontées», critique un financier. Même analyse à Berne, où des proches de Pascal Couchepin avancent que cette solidarité affichée vise surtout à s'assurer la coopération des élus locaux.

L'autre argument du «Alp Project» est la sauvegarde d'un produit «sports d'hiver suisses», et sa commercialisation outre-frontières. «Notre branche profite d'un goodwill qui ne saurait être bradé à n'importe qui», martèle Philippe Lathion. «Il faut conserver des centres de décision chez nous», ajoutent ses confrères. Arguments déjà entendus pour les palaces passés en mains étrangères, mais quelque peu conservateurs pour Pascal Couchepin, qui rappelait récemment qu'il n'a rien contre les investissements étrangers.

Développement régional?

«Die Lathion Idee», comme disent certains journaux alémaniques, aurait tout d'une société de développement régional et défendrait les intérêts privés de quelques barons valaisans. C'est ce qu'affirment ceux qui n'ont pas oublié la polémique des Quatre Vallées. Philippe Lathion promet au contraire une envergure nationale à son bébé. Il ne démarrera qu'avec l'engagement formel des plus importantes stations, qu'il attend avant la fin du mois de juillet. Et argue que son groupe de travail réunit des personnalités de Gstaad (BE), Laax (GR), Engelberg (OW) et Crans-Montana. Mais la rumeur veut que ses premiers bailleurs de fonds soient bien valaisans: la BCVs aurait promis 5 millions de francs, et la famille Burrus, qui avait relevé cet hiver sa participation au sein de Téléverbier pour faire front à la CDA, mettrait 4 millions de francs au pot.