Si le président de la Confédération, Ueli Maurer, s’en est allé dans l’Ancien Testament pour trouver le fil conducteur imagé de son discours, Didier Burkhlter, lui, a plongé sur les premiers mots de l’hymne national suisse dans sa version allemande et dans l’oeuvre du littérateur letton le plus connu, Rainis, pour tisser sa plaidoirie: « Sur nos monts, quand le soleil annonce un brillant réveil.... C’est par ces vers que débute le Cantique suisse, qui retentira demain, le 1er août, un peu partout dans notre pays. Dans la version allemande de notre hymne national, l’aube qui se lève sur les montagnes suisses est rouge. C’est couleur d’or, en revanche, qu’est la robe du cheval imaginé par le célèbre poète letton Rainis. Sa pièce, dont le titre se traduirait par le Cheval doré, Rainis l’a écrite à Castagnola, dans le canton suisse du Tessin. Bel exemple des liens étroits qui unissent nos deux pays !»

Les bus oranges

La palette chromatique posée, Didier Burkhalter ne la lâche plus: «Si je devais choisir une couleur pour qualifier l’amitié profonde entre la Suisse et la Lettonie, ce serait donc ce rouge de l’aube suisse mêlé à l’or du cheval letton. Le rouge, mélangé à l’or, donne de l’orange... La couleur des bus scolaires qui amènent en classe de nombreux enfants des régions rurales de Lettonie. Ces bus, la Suisse en a financé l’acquisition, dans le cadre de sa contribution à l’élargissement. Ainsi, elle entend aider la Lettonie à relever les défis complexes auxquels elle est confrontée depuis 1989. Ces bus représentent aussi un investissement dans l’avenir et dans la jeunesse».

Dire en charmant ce que Ueli Maurer dit en grinçant

Une entrée en matière toute en douceur pour dire tout ce que la Suisse fait, au fond, pour l’Union européenne (dont fait partie la Lettonie): manière de dire en plus charmant, ce que Ueli Maurer pointait en plus grinçant dans son discours présidentiel: l’effort considérable consenti par la Suisse pour le bien-être et la viabilité de la construction européenne...

Mais au-delà des images et des récits mythologiques, Didier Burkhalter s’est surtout employé, dans son allocution, à défendre, en ce qui concerne l’Union européenne, la voie bilatérale empruntée par la Suisse. Et pour ce faire, il a insisté sur l’importance de la souveraineté nationale, sur l’importance des accords sectoriels et sur l’importance de l’autonomie.

La souveraineté nationale

«Les 1600 km qui nous séparent ne nous empêchent pas de poursuivre des objectifs communs, sans pour autant faire le deuil de notre souveraineté. Cet attachement à leur indépendance, les Lettons aussi l’expriment dans leur hymne national : «Dievs, svētī Latviju,» [« Que Dieu bénisse la Lettonie »]. Ce texte, qui date de 1870, est l’un des premiers poèmes dans lesquels apparaît le mot «Lettonie». Ce vers a bien vite été compris comme une revendication d’autonomie nationale. La Suisse a accueilli plusieurs congrès qui ont débouché sur la première déclaration d’indépendance lettone [proclamation de la République de Lettonie, le 18 novembre 1918]. Janis Rainis lui-même, le poète letton exilé en Suisse, était un ardent défenseur de l’indépendance. N’a-t-il d’ailleurs pas traduit en letton le Guillaume Tell de Schiller ?»

La voie bilatérale

Après avoir enfoncé le clou de la souveraineté, Didier Burkhalter s’est attelé aux accords sectoriels bilatéraux: «La Suisse n’a pas adhéré à l’UE. Sa relation à l’Union est régie par des accords bilatéraux sectoriels. Ceux-ci constituent la base de notre collaboration dans de nombreux domaines, notamment la formation et la recherche. Les doctorants lettons, par exemple, peuvent ainsi effectuer des séjours de recherche en Suisse».

L’autonomie

Quant à l’autonomie, c’est là où les accents burkhaltériens ont été les plus fermes: «Le dernier mot doit revenir au peuple suisse, véritable souverain du pays, seul à même de décider de l’évolution des relations avec l’Union. C’est là une question d’autonomie nationale. Il en a toujours été ainsi, et il en restera ainsi. Il n’y aura pas d’automatisme, sous quelque forme que ce soit. Pour nous, c’est ce qui s’appelle une politique européenne souveraine, dans le véritable sens du terme».

L’OSCE en 2014

Le territoire ainsi piqueté, Didier Burkhlter s’est employé à brosser de la Suisse une image faite de responsabilité, de médiation, de pacification et de prévention des conflits.Via la future présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe que la Suisse assumera en 2014.

Roulez jeunesse!

Une présidence qui placera tous ses espoirs en la jeunesse que Didier Burkhalter se promet de choyer particulièrement: « Nous aimerions que les jeunes des pays de l’OSCE puissent davantage exprimer leurs besoins et leurs attentes. C’est pourquoi nous avons imaginé un « modèle d’OSCE » dans lequel les jeunes des pays membres pourraient débattre de questions d’actualité touchant à la sécurité, l’économie, l’environnement et à la dimension humaine. Ils pourront ensuite présenter leurs conclusions et leurs recommandations au conseil des ministres, en décembre 2014 à Bâle».

Voiture-balai

Il ne restait plus, après cette avalanche de résolutions, qu’à boucler la boucle: ce sont les bus oranges qui ont donc fait office de voiture-balai: «La fête nationale est une journée durant laquelle nous pouvons méditer sur ces valeurs et en être fiers. Ces valeurs, pourtant, ne tombent pas du ciel. Jour après jour, nous devons les réaliser et lutter pour elles, pour que les habitants de notre planète puissent vivre libres et prospères, en paix et en sécurité, pour que nos enfants réalisent leurs rêves, et pour que de nouvelles perspectives voient le jour. Dans cette entreprise, la Lettonie est pour la Suisse un partenaire solide. J’en suis très heureux. Ainsi, chaque bus scolaire orange que nous croisons sur les routes lettones est un témoignage concret de notre progression, à la fois collective et autonome, vers la réalisation de ce but.»