150 à 200 e-mails
Parce qu’il a décidé de tourner définitivement la page de la politique, Didier Burkhalter hésite. Il finit par accepter. Mais, fidèle à ses principes, il fixe le cadre de cet entretien: «Il s’agit, dans son esprit, d’une contribution constructive au débat public sur la politique extérieure de la Suisse en général, sur nos relations avec l’UE en particulier», témoigne José Ribeaud. L’essentiel de l’interview se fait par échange d’e-mails, entre 150 et 200. La construction du livre est enrichie par des discussions téléphoniques, dont une de deux heures, et une rencontre chez l’éditeur.
Il s’agit, dans son esprit, d’une contribution constructive au débat public sur la politique extérieure de la Suisse en général, sur nos relations avec l’UE en particulier
José Ribeaud
José Ribeaud avoue avoir eu un «parti pris favorable», convaincu que la conclusion d’un accord institutionnel est la seule solution pour consolider durablement les relations bilatérales entre la Suisse et l’UE. La justification de cet accord et du recours à la Cour de justice de l’UE (CJUE) occupe d’ailleurs une large part de l’ouvrage. Didier Burkhalter évoque longuement les arguments qui justifiaient cette solution, une solution qui a provoqué des résistances au sein même du gouvernement. Ce généreux volet européen a cependant quelque chose d’éphémère, puisque, au moment de la sortie du livre, le Conseil fédéral a repris le dossier en nuançant les objectifs visés.
Une communication pleine de retenue
José Ribeaud vante les qualités qu’il a décelées chez Didier Burkhalter: sa modestie, sa loyauté envers les institutions, son sens du compromis, sa capacité de médiateur, ses fortes convictions, son optimisme, son intégrité, sa volonté de discrétion «nécessaire en diplomatie», son «refus de ruser, de marchander, de manigancer», ce qui lui a valu d’être «dans le collimateur de la droite économique et politique». Il n’insiste pas assez sur le fait que, doublés d’un tempérament plutôt individualiste, ces traits de caractère l’ont pénalisé sur un aspect pourtant essentiel de la réussite politique: la communication. La retenue de Didier Burkhalter sur ce plan lui a été souvent reprochée, notamment dans son parti. Si José Ribeaud évoque, dans son introduction, les tourments et désaccords – sur l’égalité salariale ou les exportations d’armes – qui ont pesé sur sa décision de se retirer, l’entretien n’apporte aucun éclairage nouveau à ce sujet.
L’auteur détaille les valeurs humanistes que Didier Burkhalter compte transmettre par sa nouvelle carrière d’écrivain. La couverture du livre montre le Neuchâtelois en compagnie d’un enfant libanais: elle fait écho à celle d’Enfance de terre, recueil de récits basés sur des rencontres faites avec des enfants publié moins de deux mois après son départ du gouvernement (un deuxième ouvrage a suivi en février). Dans l’entretien, Didier Burkhalter développe son envie d’aider les jeunes: il revendique des réseaux d’universités et de cours en ligne «pouvant atteindre les plus talentueux, même s’ils sont pauvres».
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La volonté de clore le chapitre politique de son existence est très présente dans l’entretien. Didier Burkhalter évoque plusieurs fois le «besoin et l’envie d’écrire une autre page de ma vie», le lien entre ces deux époques restant sa fidèle épouse Friedrun Sabine, «toute ma vie». Il se livre en revanche peu sur ses doutes intérieurs et ses modèles. On sait qu’il avait sérieusement hésité à lancer sa candidature pour succéder à Pascal Couchepin en 2009. Selon José Ribeaud, ses hésitations s’expliqueraient par le souci de ne pas barrer la route à une candidature tessinoise. La réalité est plus complexe, mais on n’en apprend pas davantage. Et l’on aurait aimé qu’il s’ouvrît sur les rencontres qui l’ont marqué. Cela restera confiné dans son jardin secret, car il ne voudrait pas «fragiliser la diplomatie suisse».
*«Didier Burkhalter, humaniste et homme de convictions», par José Ribeaud, 256 pages, Editions Alphil, mars 2018.