Le Brexit s’est invité à l’assemblée des délégués du Parti libéral-radical samedi à Brugg (AG). Le ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter a esquissé les priorités du Conseil fédéral pour nouer de nouvelles relations bilatérales avec le Royaume-Uni. Il s’agit en premier lieu de «remplacer l’accord des 1972 par un nouveau régime de libre-échange», qui devra éviter les obstacles techniques au commerce, les marchés publics et les produits agricoles transformés».

Partant du principe que les accords bilatéraux ne vaudront plus pour la grande île, Didier Burkhalter suggère un «accord open sky sur le transport aérien». Il rappelle que 35 000 Suisses résident au Royaume-Uni et que 150 liaisons aériennes relient les deux pays chaque jour. «Cela fait un vol toutes les 10 minutes», résume-t-il. La migration, la coopération scientifique et policière, l’asile sont d’autres thèmes qui devront être réglées bilatéralement avec la Grande-Bretagne.

Le Conseil fédéral a chargé un groupe de travail interdépartemental de préparer le terrain. Didier Burkhalter a signalé vendredi à deux membres du gouvernement britannique la volonté de la Suisse d’entreprendre ces démarches parallèlement au processus de sortie de l’UE. «Mais c'est encore un peu tôt», concède-t-il.

Retour dans l’AELE

Le parti le soutient clairement sur ce point. Il a adopté samedi une résolution mise au point dans un très court délai, souligne sa présidente Petra Gössi, dont les relations avec la Grande-Bretagne constituent le premier chapitre. Le parti demande que la Suisse entreprenne sans tarder des négociations avec la Grande-Bretagne afin d’«assurer son accès au marché britannique». Il souhaite que le Royaume-Uni rejoigne l’Association européenne de libre-échange (AELE), qu’il avait quittée en 1973 pour entrer dans l’UE. Un accord bilatéral devra régler les questions qui échappent au champ d’intervention de l’AELE.

Le second point de la résolution concerne le franc fort. Mais le PLR reste prudent à ce sujet. Il réitère sa confiance à la BNS, qui doit rester indépendante dans son action. L’intervention de la politique doit se limiter aux conditions cadre, à savoir la réduction de la bureaucratie et le soutien de l’innovation. L’entrée en vigueur rapide de la troisième réforme de l’imposition des entreprises doit contribuer à renforcer ces conditions cadre et la sécurité juridique pour les acteurs économiques.

«Un optimiste invétéré»

Reste la question des relations avec l’Union européenne. Comme le rappelle Petra Gössi, le PLR s’oppose à la réintroduction d’un «contingentement général» de la main-d’oeuvre en provenance des Etats membres de l’UE, mais admet le maintien de quotas maximums pour les ressortissants d’Etats tiers. En revanche, le parti soutient l’idée d’une priorité indigène à l’embauche, du moins durant une période limitée.

Ce mécanisme doit être réservée aux «secteurs régionaux et groupes professionnels comportant un taux de chômage supérieur à la moyenne», ce qui constitue un pas en directeur du modèle de clause de sauvegarde développé par le professeur Michael Ambühl à la demande du canton du Tessin et de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC).

Didier Burkhalter confirme que «le Conseil fédéral va s'engager de toutes ses forces pour reprendre les négociations pour trouver une solution concertée avec l'UE» et regrette presque d'avoir attendu le vote britannique pour les relancer. Il reconnaît que cette solution concertée «peut s'avérer plus difficile, d'autant que nos positions de fond sont assez éloignées». «Mais je passe pour un optimiste invétéré», sourit-il.

Cour de justice controversée

Le PLR demande en revanche que la mise en œuvre de la libre circulation des personnes soit découplée de l’accord institutionnel actuellement en discussion entre la Suisse et l’UE. «Ces négociations doivent se faire séparément», insiste la résolution du parti, car il ne faut pas confondre les deux questions.

Or, le Conseil fédéral avait adopté en 2013 un mandat de négociation qui portait sur les relations institutionnelles et faisait de la Cour de justice de l’Union européenne l’instance d’arbitrage des différends. Didier Burkhalter s’époumone depuis de longs mois à justifier la négociation de cet accord, qui doit «préserver et développer la voie bilatérale». Il concède cependant que la question de la libre circulation «doit être réglée en premier lieu». «Il n'y a pas de lien juridique entre les deux», insiste-t-il.

Le point délicat de ce dispositif est le recours à l’arbitrage de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en cas de différend entre la Suisse et l’UE à propos de l’application des accords. Il insiste sur le fait que les interprétations de la CJUE seront «à la fin du processus» décidées par les comités mixtes Suisse-UE et que ce ne sont donc pas des juges étrangers qui auront le dernier mot. Le recours à la CJUE peine cependant à convaincre son propre parti. Mais celui-ci se prononcera sur cette question plus tard.

Le PLR a par ailleurs adopté ses recommandations de vote pour le 25 septembre: c'est très nettement oui à la loi sur le renseignement et très nettement non aux initiatives AVS+ et «Pour une économie verte».