Se prononcer contre l’extension de l’islam en Suisse n’est pas un acte raciste. Dans un arrêt daté du 29 août et publié jeudi, le Tribunal fédéral (TF) a rejeté un recours de la Fondation GRA contre le racisme et l’antisémitisme.

En novembre 2009, une vingtaine de personnes se sont rassemblées sur la place de la Gare de Frauenfeld (TG) pour manifester en faveur de l’initiative contre les minarets. A cette occasion, Benjamin Kasper, président des Jeunes UDC du canton, a affirmé qu’il était «temps de mettre fin à l’extension de l’islam». «La culture suisse, dont le fondement est le christianisme, ne devrait pas se laisser supplanter par d’autres cultures, a-t-il ajouté. Un signe symbolique comme l’interdiction des minarets constitue donc un moyen d’affirmer sa propre identité.»

Ces propos ont été publiés sur le site internet de la Fondation GRA contre le racisme et l’antisémitisme sous la rubrique et avec le commentaire «racisme verbal». Benjamin Kasper a réagi en déposant une plainte civile. Le Tribunal cantonal de Thurgovie lui a donné raison et condamné la fondation pour atteinte illicite à la personnalité. ­Celle-ci a alors déposé un recours au Tribunal fédéral. Pour la fondation, la notion de racisme doit être entendue au sens large. La formation de catégories telles que «nous» et «les autres» faites au nom de la race, de la couleur de la peau, de l’origine, de la nationalité ou de la religion correspond bien selon elle à la notion de racisme.

Les juges ne l’entendent pas de cette oreille. Le fait de se prononcer contre l’extension de l’islam n’implique pas un jugement de valeur et ne constitue pas un acte raciste, indique la Haute Cour. «La seule mise en évidence d’une différence entre deux individus ou groupes ne constitue pas encore du racisme, explique le TF. Il n’y a racisme que lorsque la différence est utilisée en même temps pour dénigrer la victime et que la mise en exergue de la différence n’est en définitive qu’un moyen pour présenter la victime de manière négative et violer sa dignité.»

«Dans son discours, poursuit le TF, Benjamin Kasper a opposé sa propre religion (le christianisme) à celle d’autrui (l’islam), s’est différencié de celle-ci et a qualifié la sienne de digne d’être protégée et défendue. Il n’en ressort ni une dévalorisation des membres de l’islam, ni un rabaissement général des musulmans.» Par conséquent, la fondation a porté une atteinte civile illicite à l’honneur de Benjamin Kasper.

La décision du TF intervient dans un contexte international très tendu, où la liberté d’expression se voit opposer la nécessité de respecter les sentiments religieux. La diffusion d’extraits d’un film considérés comme offensants et racistes par les musulmans a provoqué des manifestations et des morts dans plusieurs pays. L’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a publié mercredi de nouvelles caricatures de Mahomet. Deux plaintes pour «provocation à la haine» et pour «diffamation» et «injure publique» ont été déposées par deux associations.

Arrêt 5A_82/2012

«La seule mise en évidence d’une différence entre deux individus ou groupes ne constitue pas encore du racisme»