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Le discours de Christoph Blocher sera surveillé

Le ministre fera-t-il une entorse à la collégialité sur le Rütli le 24 juillet?

Christoph Blocher sera sur le Rütli le 24 juillet. Non pas pour anticiper les festivités du 1er Août, mais pour commémorer, à l'invitation de nationalistes, les 65 ans du discours du général Guisan prononcé sur la prairie mythique le 25 juillet 1940 en rassemblant ses troupes.

A en juger le texte de l'annonce parue vendredi dans plusieurs journaux, les «festivités» seront surtout l'occasion pour les organisateurs de revendiquer une armée «de haute qualité» et d'exacerber les craintes sécuritaires. Du coup, certains redoutent que Christoph Blocher, par d'habiles acrobaties langagières, ne rompe la collégialité en évoquant l'extension de la libre circulation des personnes de façon négative. Il a bien dérapé lors d'une commémoration historique à Rafz (ZH), quelques jours avant la votation sur Schengen.

«De larges couches de la population sont inquiètes en raison du manque de stratégie claire sur le plan de notre indépendance, de notre sécurité et de notre armée. Avec notre rapport sur le Rütli 2005, nous voulons contrer cette tendance […]», stipule l'annonce. Derrière le comité d'action «Rapport du Rütli 2005», se trouvent plusieurs organisations nationalistes. Dont «Histoire vécue», l'Action service actif, Identité suisse, Pro Libertate, Pro Tell et les Jeunes UDC. Rappelant que le rapport du général Guisan «devait inspirer la volonté de défense contre toute forme de menace», ils indiquent que «sa clairvoyance conserve de nos jours, toute son acuité».

C'est Samuel Schmid, comme ministre de la Défense et de surcroît président de la Confédération, qui était dans un premier temps pressenti comme orateur principal. Il a toutefois décliné l'offre en février, probablement parce qu'il sentait qu'il se ferait moucher à propos de sa réforme de l'armée. Ou par crainte d'être instrumentalisé. Du coup, les organisateurs se sont tournés vers le deuxième conseiller fédéral UDC, Christoph Blocher. Son discours, qu'il rédigera lui-même, n'est pas encore prêt et son entourage ne dispose d'aucune indication sur son contenu.

«Il ne peut pas se permettre de déraper»

Pour le secrétaire général du PDC, «Christoph Blocher a clairement déclaré, lors du lancement de la campagne du Conseil fédéral, qu'il était favorable à la libre circulation, donc si c'est un homme de parole, il ne peut pas se permettre de déraper». «Instrumentaliser une commémoration historique à des fins politiques serait d'ailleurs malvenu et une preuve d'irrespect envers la génération du service actif», ajoute Reto Nause. Il estime surtout que toute publicité excessive ne contribue qu'à renforcer l'importance de la présence de Christoph Blocher, «ce qu'elle ne mérite pas». Précisément pour ne pas lui donner trop de résonance, Fulvio Pelli, président du PRD, déclare tout de go: «Je n'ai aucune crainte, aucune attente. Il est libre de dire ce qu'il veut.» Pour certains stratèges socialistes, Christoph Blocher souffrirait davantage d'un non en votation que d'un oui, qui permettrait à son parti de mieux actionner le frein pour les négociations à venir. Il ne tirerait ainsi aucun avantage d'évoquer spécifiquement les effets négatifs de l'extension de la libre circulation, tout au plus pourrait-il profiter de lancer quelques «piques anticollégiales» à Samuel Schmid à propos de l'armée.

Pas de grande excitation «pré-événement» donc. Mais une chose est sûre: les conseillers fédéraux qui portent le plus fièrement le oui pour le 25 septembre seront très attentifs au déroulement de cette commémoration. Prêts à bondir.