L'exemple de Jussy
Depuis quelques années, pourtant, il a bien fallu faire de la pub. «Les choses ont dégringolé quand nous n'arrivions plus à tourner avec la vigne. Il faudrait que la maison elle-même rapporte, c'est devenu beaucoup trop lourd pour la génération suivante.» Alors, avec prudence, à pas comptés, Madame de Chambrier a entrouvert la porte de sa maison, mûrissant longuement chaque nouvelle idée avant de passer à la réalisation. Elle est allée au château de Jussy (GE), chez les Micheli, pour voir comment ils faisaient. Une ouverture lors des Journées du patrimoine, attirant un millier de personnes, a démontré l'intérêt du public. Un premier local a été aménagé pour les dégustations. La cave à vin voûtée, rebaptisée salle du prieur – elle occupe l'emplacement de l'ancienne église –, a ensuite été louée pour des repas. Depuis deux ans, des visites commentées sont organisées durant l'été (voir encadré). Et au printemps dernier, la propriétaire a proposé pour la première fois la salle à manger et le grand salon qui donnent sur la terrasse et le lac: de jeunes mariés ont donné leur réception sous le regard sévère des ancêtres d'Ariane de Chambrier.
«Retour dans le passé»
«Nous voulons conserver ce caractère privé et de retour dans le passé, c'est ce que veulent les gens qui viennent nous voir, souligne-t-elle. Au moment où tout éclate et se globalise, il est important de retrouver ses racines.» Stéphane Sandoz, le viticulteur de La Lance, doit accepter avec patience le lent cheminement de la maîtresse des lieux. Il appartient à une autre dynastie, celle des fermiers qui s'occupent du domaine (60 hectares), de père en fils depuis quatre générations. Il est, lui, un grand partisan de l'ouverture. La crise du chasselas a poussé à la diversification et à la vente sur le domaine. On a planté du pinot noir – comme du temps des moines –, auquel le terroir calcaire de Bonvillars est favorable. Mais il a fallu reporter à des temps meilleurs le rêve de produire sur place: on vinifie à Boudry (NE).
Le domaine appartient à une hoirie, celle d'Hugues Jéquier, le père d'Ariane de Chambrier. Quatre frères et sœurs et neuf petits-enfants sont concernés. «Je tiens une petite chronique des travaux et des projets, pour que tout le monde soit informé et, chaque année, on se retrouve en Suisse ou en Angleterre. Ariane de Chambrier n'habite pas La Lance à l'année, ni aucun des siens. L'été retrouve un peu de l'animation d'autrefois. Ses fils, ses frères et sœurs y viennent avec leur famille. Dans la vaste demeure, chacun a son coin.»
Et demain? Les propriétaires ont songé à mettre en location le pavillon de Pourtalès, mais Ariane de Chambrier devrait alors renoncer aux pièces qu'elle occupe lors de ses séjours. Un jour ou l'autre, elle le sait, elle devra passer la main. Pour l'heure, elle a un autre sujet de préoccupation: «Ces vitres! Oui, celles de la bibliothèque, elles ont 200 ans et menacent de s'effondrer.»