En voulant accorder un milliard supplémentaire, en plus du crédit de 1,3 milliard débloqué par le parlement en septembre dernier, la CPE était consciente de ne pas résoudre la question institutionnelle à laquelle tient Bruxelles. «Mais nous voulions au moins envoyer un signal positif à l’UE pour qu’elle associe la Suisse dans tous les programmes de coopération», rappelle Eric Nussbaumer (PS/BL).
«Ne pas se couvrir de ridicule»
C’est raté. Si la gauche et les vert’libéraux ont été unanimes à soutenir l’idée de la CPE, la droite et la grande majorité du Centre l’ont massivement rejetée. «C’est une proposition faite dans la panique, qui affaiblit la position du Conseil fédéral», a critiqué Lars Guggisberg (UDC/BE). Le conseiller fédéral et grand argentier Ueli Maurer s’est montré encore plus féroce. «Nous nous couvririons de ridicule à Bruxelles. Même en offrant ce milliard supplémentaire, il est certain que nous n’obtiendrions pas l’association de la Suisse à Horizon Europe», a-t-il affirmé.
La décision du National est intervenue dans le débat-fleuve consacré au budget 2022, qui accuse déjà un déficit de 2 milliards en raison du covid. A l’issue du vote, Laurent Wehrli (PLR/VD), bien qu’europhile, n’était pas trop déçu. «Le score étriqué montre que le parlement est inquiet pour sa place académique. Cela dit, l’association de la Suisse aux programmes européens ne peut pas se faire dans le cadre du budget, mais lors de négociations avec l’UE.»
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C’est vrai, mais la décision montre un parlement tout aussi impuissant que le gouvernement. «Le Conseil fédéral ayant renoncé à fixer un cap faute de courage, les initiatives parlementaires fusent, mais elles partent dans tous les sens», déplore le secrétaire général des vert’libéraux à Genève et membre du think tank Foraus, Cenni Najy. A court terme, soit en 2022, la Suisse restera donc un Etat tiers dans Horizon Europe. Pour plus tard en revanche, les espoirs restent permis, comme le reconnaît Eric Nussbaumer. «Mais les grands projets de recherche dans l’UE se décident ces mois-ci. En 2023 ou 2024, cela sera trop tard pour prétendre au rôle de leadership», regrette-t-il.
«Le bricolage ne fera pas l’affaire»
Fait à relever: à l’instar d’Ueli Maurer, la plupart des observateurs admettent que ce milliard supplémentaire n’aurait pas permis d’obtenir l’association pleine à Horizon Europe. L’impasse demeure donc totale entre Berne et Bruxelles. Pour en sortir, Jean Russotto prône l’élaboration d’un agenda européen rapide du côté suisse. «Il faut une feuille de route précise qui devra reprendre, même de façon fragmentaire, les points clés de la relation, y compris la dimension institutionnelle. Le bricolage ne fera pas l’affaire.» Cenni Najy abonde dans ce sens et relève un problème plus grave en train d’émerger. «L’UE considère de plus en plus que la Suisse est incapable de formuler une politique claire et de s’y tenir. Ce changement de perspective pourrait avoir des conséquences négatives quant à la disponibilité de Bruxelles de se lancer rapidement dans de nouvelles négociations.»
C’est aussi la raison pour laquelle le mouvement citoyen Opération Libero songe toujours à lancer son initiative populaire pour obliger le Conseil fédéral à négocier sur l’institutionnel. «Les Suissesses et les Suisses ne peuvent pas rester de simples spectateurs de ce piteux spectacle, souligne le membre de son comité directeur Stéphane Decrey. Nous sommes dans une situation où l’enjeu n’est rien moins que l’avenir de notre pays.»