Dylan Karlen: «Taxer notre initiative de muselière biaise déjà l'information des citoyens»
VOTATION
Coordinateur romand de l'initiative populaire «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale», Dylan Karlen reproche au Conseil fédéral d'être arbitre et joueur durant les campagnes de votation.
L'initiative soumise au peuple le 1er juin veut limiter drastiquement l'engagement du gouvernement avant un scrutin. Coordinateur de l'initiative pour la Suisse romande, Dylan Karlen entend soustraire la volonté populaire à toute influence gouvernementale en limitant le message du Conseil fédéral à une information brève et unique à la population. Selon lui, le texte n'a pourtant rien d'une muselière.
Le Temps: Partez-vous du principe que le Conseil fédéral manipule lapopulation?
Dylan Karlen: Nous utilisons la métaphore du match de foot. LeConseil fédéral veut d'abord sepositionner dans le rôle de l'arbitre et dénoncer les éventuels arguments fantaisistes. Mais il endosse également le maillot de joueur lorsqu'il cherche à défendre un projet. Il ne s'agit plus d'information. Lorsque l'on part du principe que c'est le peuple qui décide, c'est donc à lui de tolérer un certain nombre d'arguments puis d'arrêter son choix. Le Conseil fédéral cherche trop à se positionner sous prétexte qu'il détiendrait la vérité. Par ailleurs, avec la puissance en termes de légitimité que possède un conseiller fédéral, il est difficile lors d'un débat de contredire les chiffres qu'il avance.
- La situation que vous dénoncez a-t-elle toujours eu cours?
- Non! Nous souhaitons revenir à une situation antérieure aux années 1990. Jusque-là, le Conseil fédéral a toujours fait preuve d'une certaine retenue. Ensuite, un changement de doctrine est intervenu. Le gouvernement n'a plus eu pour seul objectif d'informer la population mais bien plus de gagner les scrutins.
- Quelles votations vous apparaissent symptomatiques de la propagande que vous dénoncez?
- Le premier cas est celui de l'adhésion à l'EEE en 1992. Le Conseil fédéral a même reconnu s'être trop investi dans la campagne. Certains conseillers fédéraux en avaient fait un combat personnel. Certaines votations, dites cruciales, ont bénéficié de moyens accrus. Je pense aussi à l'adhésion à l'ONU. Au-delà des votations, certaines interventions, plus subtiles, relèvent déjà de la propagande. Le terme péjoratif «muselière», sorti du Palais fédéral et repris par les politiques et la presse, ne répond pas à la réalité de notre initiative. Ce terme biaise le débat en faisant en sorte que l'électeur ait un a priori.
- Le Conseil fédéral participe à la réalisation des objets et élabore le calendrier des votations. N'est-ce pas avant tout son rôle de défendre les dossiers?
- L'organe suprême de la Confédération est l'Assemblée fédérale. C'est à elle d'expliquer les thèmes. Le Conseil fédéral peut faire ses recommandations de vote grâce à la brochure. Mais les cadres de l'administration ne devraient pas pouvoir intervenir dans les débats. Or, la Confédération est devenue la première agence de relations publiques de Suisse. Sur les 60 à 80 millions annuels dévolus à l'information, une grande partie est investie pour les votations. La crainte de voir l'information cesser n'est pas fondée puisque se créent, pour toute campagne, un comité du oui et un comité du non composés de parlementaires.
- Que pensez-vous du contre- projet indirect à votre initiative proposant que le Conseil fédéral ne soit pas autorisé à défendre une position différente de celle del'Assemblée fédérale?
- Le contre-projet poursuit un objectif complètement inverse de notre proposition. Il légitime l'intervention du Conseil fédéral de manière récurrente. C'est la porte ouverte à des matraquages. Ce contre projet mériterait nettement plus le terme de muselière puisqu'il enjoint au Conseil fédéral de ne suivre que la position du parlement. Il n'aurait ainsi même plus le droit d'émettre son propre préavis.
- Comme membre de l'UDC, n'estimez-vous pas que votre parti influence aussi les scrutins grâce à ses fonds?
- Il faut savoir que l'association Citoyens pour les citoyens est composée de gens majoritairement hors partis et de tous bords. Concernant l'argent des partis, certains signataires ont proposé de créer une loi sur leur financement, ou un plafonnement des budgets. Ce débat pourrait venir dans un second temps, toutefois je ne sais pas s'il pourrait être porté par notre association.
- Votre comité est composé de quelques UDC; pourtant le parti suisse ne montre pas beaucoup d'élan pour vous soutenir. D'autres personnes de votre comité sont d'anciens membres du VPM, l'Association pour la promotion de la psychologie humaine, dont l'objectif est pour le moins obscur. Qui se trouve derrière cette initiative?
- Je ne connais pas du tout cette association nébuleuse. Notre comité est avant tout une réunion de citoyens déçus par les agissements du Conseil fédéral. Nous avons réussi à fédérer des citoyens sur une thématique de principe. Aujourd'hui, certains ont trop assimilé notre initiative à l'UDC. Cela a beaucoup vexé nos membres d'autres horizons et nous prive du vote de passablement de personnes qui ne veulent pas être assimilées à ce parti.