Economiesuisse froisse les paysans en leur conseillant de «faire autre chose»
Formation
Alors que l’apprentissage d’agriculteur est particulièrement difficile, la directrice du lobby patronal, Monika Rühl, invite les jeunes à choisir d’autres filières. Réaction courroucée de l'Union suisse des paysans

«Les apprentis paysans travaillent jusqu’à 55h par semaine, parfois sans jour de congé», s’émouvait lundi le Blick en pointant des défections. Interrogée sur la manière d’aider ces jeunes aspirants à persévérer, la directrice d’economiesuisse, Monika Rühl, a livré sa recette à l’antenne de RTS La Première: «Je les encourage à s’engager dans d’autres filières, comme celle d’ingénieur, plutôt que dans l’agriculture.»
Quelques minutes plus tôt, dans la même émission, celle qui juge l’agriculture trop subventionnée avait appelé les éleveurs mécontents des futurs accords de libre-échange avec le Mercosur à saisir la «chance» que ceux-ci représentent pour l’exportation.
L’agriculture n’est pas une option, mais une nécessité pour notre pays. On ne se nourrit pas de billets de banque
Alors que quelque 1000 exploitations agricoles ferment chaque année, ce commentaire choque Sandra Helfenstein, porte-parole de l’Union suisse des paysans. «Ces déclarations divulguent un très mauvais message, déplore-t-elle. L’agriculture n’est pas une option, mais une nécessité pour notre pays. On ne se nourrit pas de billets de banque. Madame Rühl, elle aussi, doit manger.»
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Sans faire de commentaire sur ce cas précis, le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation rappelle le principe d’égalité de traitement: «Nous favorisons tous les apprentissages sans distinction et encourageons les jeunes à faire leur propre choix en fonction de leurs intérêts, précise le porte-parole Martin Fischer. Il y a, aujourd’hui encore, plus d’offre que de demande.»
«Un boulet à traîner»
Faut-il lire dans la déclaration de Monika Rühl un certain dédain du secteur tertiaire envers le travail de la terre? «L’agriculture est mal considérée parce qu’elle n’est pas une économie super rentable, sa valeur ajoutée est très faible, estime Sandra Helfenstein. Aux yeux d’economiesuisse, les paysans sont les derniers maillons d’une chaîne, un boulet à traîner.»
Face aux «apprentis opprimés» dépeints par le Blick, Sandra Helfenstein nuance. «Bien sûr, le métier de paysan est rude et très prenant, surtout si l’on travaille avec du bétail, mais il offre aussi des avantages, le contact avec la nature, des tâches diversifiées et une prise de responsabilités rapide. Au final, très peu de jeunes interrompent leur apprentissage et les plaintes sont quasiment inexistantes.»
L’an dernier, les apprentis paysans étaient 3045, 300 de plus qu’en 2012. «Malgré cette tendance positive, le nombre de jeunes formés ne suffit pas à compenser la fermeture d’exploitations.»