Genève
Neuf personnes ont pu voter pour la désignation des candidats au Conseil d’Etat sans être valablement membres du parti, révèle un rapport interne

Electeurs illégitimes, adhésions en masse et familles encartées: les conclusions de l'enquête menée par le parti socialiste genevois sur l'Assemblée de désignation de ses candidats au Conseil d'Etat risquent bien de réchauffer encore un peu l'atmosphère, dans un parti déjà embrasé par les conflits internes.
Le 13 mai dernier à Lancy, les militants socialistes plébiscitaient un ticket à trois candidats et propulsaient, dans l'ordre, Thierry Apothéloz, Sandrine Salerno et la sortante Anne Emery-Torracinta dans la course au Conseil d'Etat. A la régulière? L'analyse du vote et du nombre d'adhésions au parti avant l'Assemblée, dont Le Temps a obtenu copie, confirme des irrégularités et un nombre très élevé de nouveaux adhérents dans les sections de deux des candidats vainqueurs.
Dans les cinq mois précédent l'Assemblée, 124 personnes se sont inscrites au parti, détaille le rapport. C'est largement plus qu'il y a quatre ans: le parti n'avait enregistré que 85 adhésions durant la même période. Confirmant les informations publiées par Le Temps, l'analyse fine de ces nouvelles adhésion a de quoi interpeller. Sur ces 124 nouveaux adhérents, 58 se sont inscrits à la section Ville de Genève du parti, celle de Sandrine Salerno, et 25 à la section de Vernier, celle de Thierry Apothéloz. «Les adhésions ont connu deux pics importants, précise le document. Entre la semaine du 3 et du 10 avril ainsi que les jours précédents l’Assemblée de désignation».
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Familles entières
L'enquête confirme aussi que «des membres de famille proche de membres des comités des sections de la Ville de Genève et de Vernier ont adhéré. En outre, des familles entières ont demandé à devenir membre, principalement dans les sections de la Ville de Genève, de Vernier et de Meyrin.» Interrogés en mai dernier par Le Temps sur ces adhésions suspectes, Thierry Apothéloz et Sandrine Salerno avaient botté en touche, la magistrate genevoise parlant alors «d'odieuses insinuations». Contactés lundi, ils n'ont pas retourné nos appels.
Au chapitre des irrégularités objectives, l'analyse conduite par le PS souligne encore que parmi les 441 votants présents le 13 mai, «9 personnes ont pu obtenir une carte de vote alors qu’elles n’étaient pas membres du PS genevois». Un chiffre potentiellement problématique, sachant par exemple que Sandrine Salerno n'est arrivée devant Anne Emery-Torracinta qu'avec deux petites voix d'avance au second tour.
Au lendemain du 13 mai, le député au Grand Conseil Alberto Velasco avait dénoncé une «assemblée phagocytée», appelant à une enquête. Aujourd'hui, il est amer: «il est évident qu'il y a eu magouilles, manoeuvres, alliances. Ce sont des pratiques normales dans des cercles où l'argent domine. Mais pas au parti socialiste! Nous nous battons pour des idées, qui doivent être défendues par les meilleurs. C'est quand on commence à tomber dans le clientélisme ou la peur d'être écarté que les dérives arrivent. Regardez où en sont les socialistes français ou espagnols!»
L'affaire est-elle suffisamment grave pour faire invalider le vote du 13 mai? «En tant que socialiste, on doit se poser la question», hésite Alberto Velasco. Selon un autre élu du parti, la question pourrait même s'imposer: «Ce qui est encore plus problématique, c'est la désignation des candidats au Grand Conseil, qui avait aussi lieu le 13 mai. Un candidat qui n'aurait pas été élu pour une ou deux voix pourrait trouver matière à faire recours.»
Le parti, lui, ne l'entend pas de cette oreille. «Le rapport montre que les résultats de l'Assemblée du 13 mai ne sont pas remis en cause, en tout cas pour ce qui est du Conseil d'Etat, affirme la présidente Carole-Anne Kast. En revanche, le rapport remet en cause nos règles quant au statut de membre. Nous allons donc entamer un processus de révision des statuts». Et d'annoncer que, dans un souci de transparence, le rapport sera transmis sans délai aux membres du parti.