Elisabeth Baume-Schneider devenue muse rouge: «Elue ministre, je ne serais pas la Zisyadis du Jura»
Jura. Une socialiste franc-montagnarde a fait sensation dimanche en arrivant quatrième du premier tour de l'élection de l'exécutif cantonal. Depuis, la gauche espère ravir la majorité au gouvernement avec cette jeune femme qui n'en est pas à son premier combat
Tout le monde a été surpris, à commencer par elle-même: Elisabeth Baume-Schneider, 38 ans, s'est hissée au quatrième rang du premier tour de l'élection au gouvernement jurassien, derrière les sortants Jean-François Roth, Claude Hêche et Gérald Schaller. A l'inverse de son colistier Pierre-Alain Gentil, victime de coups de crayon portés par ses camarades qui n'apprécient pas son arrogance, Elisabeth Baume-Schneider n'effraie pas et rallie tous les suffrages d'une gauche qui voit en elle la muse rouge capable de chambouler l'ordre bourgeois et PDC de l'exécutif. La socialiste franc-montagnarde est en posture favorable pour entrer au Conseil d'Etat le 10 novembre.
Elisabeth Baume-Schneider est une femme de combats. Elle a livré le premier autour de la table de la cuisine familiale, débattant avec son père, président du Parti libéral-radical des Bois. Tous deux se sont unis pour contester un projet de golf: ils étaient les fermiers du domaine convoité. Ils ont perdu et ont dû déménager. «La politique constitue le meilleur levier pour défendre ses convictions», dit-elle alors. A 30 ans, elle est élue députée suppléante. Quatre ans plus tard, en 1998, elle obtient le meilleur score des candidats franc-montagnards. Son ascension est fulgurante: elle préside le Grand Conseil en 2000.
Elle fait la démonstration qu'on peut être mère de famille et politicienne: elle met à profit les pauses des séances pour allaiter son deuxième fils, Théo, né au début de son année de présidence. «Je ne me suis jamais demandé si je devais choisir entre la politique et avoir un enfant. J'ai cherché comment concilier les deux.» Elisabeth Baume-Schneider emmène son bébé partout, même pour signer un accord de coopération dans le val d'Aoste, où ses interlocuteurs lui demandent où est le premier citoyen du Jura, l'assimilant à une secrétaire plutôt irrévérencieuse pour trimbaler ainsi son bambin.
«Plutôt que de choisir de manière exclusive, je cherche à coordonner, reprend-elle. Je vis mieux en famille quand je travaille. Surtout que, même si j'apprécie le tricot, être 100% à la maison, ce n'est pas mon truc.»
Elle a déjà imaginé comment être ministre et mère de famille: «J'ai la chance d'avoir un mari qui peut être présent à la maison. Et je ne serai pas rivée de 6 à 20 heures à mon bureau à Delémont. Peut-être suis-je naïve, mais je crois possible l'aménagement de plages à consacrer à mes enfants. J'ai suffisamment d'intelligence et de force créative pour y parvenir.» La famille est importante, son activité d'assistante sociale aussi. «Je peux être une bonne ministre, grâce à mon expérience d'assistante sociale. Face à une personne en difficulté, il faut savoir fixer le contexte, savoir où sont les frontières et agir de manière structurée.» Le schéma est transposable en politique. «Mais je ne serai pas l'assistante sociale du gouvernement. J'irai y défendre mes convictions.»
Elisabeth Baume-Schneider a du caractère, de l'énergie, de la pugnacité et de l'humour à revendre. «Je suis une bavarde», dit-elle dans un grand sourire. On la dit très à gauche: «Si exiger des rentes de veuves pour concubines c'est être très à gauche, j'en suis fière.» Elle a aussi déclaré que, s'ils avaient débarqué dans le Jura, les Rom auraient pu être accueillis. «Pourquoi pas? Le Jura s'est construit sur la solidarité et la générosité.»
Elle sait toutefois qu'un conseiller d'Etat n'a pas de pouvoir en la matière. «Si j'accède à l'exécutif, je ne ferai pas la révolution. Je respecterai les institutions et les lois. Je ne serai pas la Zisyadis du Jura.» Elle se soumettra peut-être à la collégialité et au protocole, «mais je dirai toujours ce que je pense».
Spontanée et attachante, Elisabeth Baume-Schneider est aussi diablement maligne. N'a-t-elle pas inscrit, parmi ses personnes de référence, le sage démocrate-chrétien Joseph Voyame? «Je le respecte pour les causes humanitaires qu'il défend.» Elle n'est toutefois pas disposée à utiliser ses adversaires à son profit. Dimanche, elle a refusé d'être photographiée en compagnie d'Anita Rion, qu'elle pourrait évincer du gouvernement. «Je n'ai pas envie qu'on nous oppose, femme contre femme, Franc-Montagnarde contre Franc-Montagnarde. J'aurais trouvé arrogant de pavoiser à côté d'elle.»
En lice initialement pour accompagner les deux candidats naturels du PS, Claude Hêche et Pierre-Alain Gentil, Elisabeth Baume-Schneider leur a brûlé la politesse. Elle incarne à présent l'espoir de la gauche de décrocher un second fauteuil à l'exécutif. Sans pression excessive. «Si le soufflé devait retomber, la vie continuera. Que je sois ministre ou assistante sociale, je ferai un boulot qui me plaît avec le même plaisir.»