Elisabeth Baume-Schneider pourrait séduire les Alémaniques
Conseil fédéral
AbonnéSi elle devient conseillère fédérale, la candidate jurassienne remettrait en question l’équilibre linguistique au sein de l’exécutif. Un chambardement pas forcément éliminatoire, considèrent plusieurs voix outre-Sarine

Elles sont deux mais il n’y a qu’un siège. Le 7 décembre, Eva Herzog, conseillère aux Etats bâloise (BS) affrontera devant l’assemblée fédérale une outsider, la Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider. La première représente un canton qui abrite la troisième plus grande ville du pays mais n’a eu l’honneur que d’un unique conseiller fédéral depuis 1848, Hans-Peter Tschudi (1959-1973). L’autre porte les couleurs de la dernière-née des 26 circonscriptions suisses, le Jura, fondé en 1974, qui, à l’instar de Schaffhouse, Uri, Schwytz et Nidwald, n’a encore jamais compté d’ambassadeur au sommet du gouvernement. Reste à décider s’il reste de la place pour une nouvelle francophone au Conseil fédéral.
Le mirage d’une alliance entre la Suisse romande et le Tessin
«Les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées au Conseil fédéral», affirme la Constitution. L’exécutif compte actuellement quatre Alémaniques (ZH, BE, VS, SG), deux Romands (FR, VD) et un Tessinois. Si Elisabeth Baume-Schneider l’emporte, l’équilibre serait bousculé. Mais est-ce vraiment décisif? «Je considère que le plus important est que les minorités linguistiques soient représentées au sommet, répond Michael Hermann, politologue et géographe à l’Université de Zurich. Que la Suisse romande soit surreprésentée ne pose à mon avis pas de problème. C’est le contraire qui serait embêtant.»
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Au sujet de la séparation du pouvoir entre les régions du pays, le spécialiste considère que le plus grand changement intervenu ces dernières années est le retour du Tessin au Conseil fédéral (absent depuis le mandat de Flavio Cotti, 1987-1999). L’événement pourrait d’ailleurs jouer un rôle dans l’élection actuelle, explique-t-il. «Comprenez que les Alémaniques ont tendance à percevoir la Suisse romande et le Tessin comme un seul bloc latin, dit-il. Ce qui est une erreur. Les Westschweizer (Romands) sont généralement bien moins conservateurs que les Tessinois et il n’existe pas particulièrement d’alliance politique entre les deux régions. Bien qu’il y ait effectivement plusieurs conférences administratives «latines», qui regroupent les deux entités.»
«Le match Jura-Bâle m’est un peu lointain»
Aux Grisons, Suisse dans la Suisse aux trois langues officielles, la question d’une bonne représentation des minorités est éternelle. Pour Andri Perl, président du Parti socialiste local, une francophone de plus ne poserait toutefois pas de problème. «Ici nous sommes ouverts aux minorités. Notre Conseil d’Etat compte une majorité de Romanches même s’ils sont en minorité dans le canton. Par contre il n’y a pas eu de représentants italophones depuis plus de dix ans. Pourtant nous avons récemment refusé d’ancrer la représentativité régionale dans la Constitution grisonne.» Président de l’UDC du canton alpin, Roman Hug estime lui que «la clé de répartition régionale devrait plutôt être conservée». Toutefois quelle que soit la langue de l’élue, «j’aimerais surtout que les régions de montagne soient représentées au Conseil fédéral, dit-il. Mais le match Jura-Bâle m’est un peu lointain. Et c’est surtout l’affaire du PS.»
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Au centre du pays, Bruno von Rotz, président du Centre d’Obwald, rappelle quant à lui que le prérequis le plus important, c’est la compétence. «Je connais mal Elisabeth Baume-Schneider, dit-il, mais c’est son aptitude à gouverner qui m’importe. Tant mieux si les régions ont toutes un siège, mais n’oublions pas de nous intéresser aux qualités politiques. Dans notre canton, c’était pareil lors des dernières élections. On a beaucoup discuté de savoir si Engelberg (l’exclave du canton d’Obwald) était bien représentée, en oubliant un peu de parler des capacités! La personne la plus qualifiée devrait être élue, point.» Un vœu qui doit encore passer l’épreuve de la cuisine interne des parlementaires.
L’arme politique de la sympathie
La répartition francophone-germanophone pourrait donner lieu à des calculs savants au sein du PS. L’arrivée d’une nouvelle femme romande pouvant notamment donner une nouvelle chance à Daniel Jositsch (PS/ZH), homme alémanique évincé lors de la primaire qui n’a peut-être pas dit son dernier mot. Ensuite, comme la nouvelle conseillère fédérale sera élue par l’ensemble des parlementaires, l’orientation politique jouera bien évidemment un rôle prépondérant. Plus conservatrice que son adversaire, Eva Herzog semble avoir les faveurs de la droite, majoritaire sous la Coupole. Et donc de meilleures chances de décrocher le graal.
Mais une surprise est toujours envisageable. «En 2010, rappelle Michael Hermann, Simonetta Sommaruga était opposée à Jacqueline Fehr (actuelle conseillère d’Etat zurichoise). La première plaisait davantage au camp bourgeois, qui se méfiait de Jacqueline Fehr, considérée trop à gauche. Mais le résultat a pour finir été extrêmement serré, car beaucoup d’UDC trouvaient la Zurichoise plus sympathique.» Et Elisabeth Baume-Schneider marque justement des points dans le domaine en ce moment. Si elle est élue, «il ne pourra toutefois s’agir, pour respecter la Constitution, que d’une courte phase de transition avec une majorité latine», a mis en garde le groupe parlementaire PLR. Qui semble effectivement regrouper Romands et Tessinois sous une même bannière.