Les vacances d’automne, en Chine, n’ont été prises que par 422 millions de personnes, soit 40% de moins qu’avant la crise du covid. De quoi faire baisser la consommation domestique d’électricité. Cette statistique fait partie des éléments qui doivent nous rassurer sur le fait que l’énergie à disposition sera suffisante pour passer l’hiver. Il y en a d’autres, ont souligné les participants au panel consacré à l’énergie dans le cadre du Forum des 100 organisé par Le Temps à l’EPFL. Les cuves de gaz sont pleines à 92% en Europe, a par exemple souligné Florence Schürch, secrétaire générale de l’Association suisse de négoce de matières premières et du transport maritime (STSA).

Malgré tout, les acteurs du domaine de l’énergie observent une prudence de Sioux lorsqu’on leur demande un pronostic sur la saison froide. «La situation est imprévisible, a répété Christian Petit, directeur général de Romande Energie [sponsor de la manifestation, ndlr]. La presse a évoqué les mouvements sociaux qui se dessinent en France, mais il a été peu souligné que la centrale nucléaire du Bugey, tout près de la Suisse, est concernée. Imaginons que le parc nucléaire suisse doive subir une maintenance imprévue. La situation dépendra d’énormément de facteurs comme la météo. Je dirais cependant que la probabilité que nous n’ayons pas assez d’énergie a augmenté depuis l’hiver dernier.»

L’hommage aux SIG

A moyen terme, on le sait, la solution passera par une diversification des sources d’énergie et une indépendance des énergies fossiles. Moins consommer, c’est entrer dans une logique de sobriété. Dans ce domaine, «la profession doit beaucoup aux Services industriels genevois (SIG)», a lancé Christian Petit en forme d’hommage. Les SIG mènent en effet un programme d’économies d’énergie, Eco21, qui est reconnu comme un modèle en Suisse. Ce programme genevois envoie notamment dans les foyers des professionnels capables de donner des conseils concrets afin de faire baisser la consommation. «Les SIG sont le bras armé de la politique énergétique du canton de Genève, ce que nous ne sommes pas concernant Vaud», a complété le patron de l’énergéticien vaudois. Christian Petit a néanmoins annoncé qu’avec les 15 entreprises du secteur basées dans le canton, une réflexion vaudoise sur un programme de sobriété avait commencé.

«Nous travaillons à des solutions qui peuvent nous affranchir des sources fossiles, a rappelé Yasmine Calisesi, directrice du Centre de l’énergie de l’EPFL. Mais même la quatrième meilleure école du monde ne peut pas mettre à disposition des solutions immédiates. Dans l’urgence d’une crise, on retombe vite dans nos mauvaises habitudes. L’inertie du système est très importante.» Et les négociants en matière première, eux qui engrangent des profits faramineux, en font-ils assez pour nous sortir de nos dépendances? «Nos membres investissent dans les énergies renouvelables depuis des années. Ils s’adaptent au marché», a répondu Florence Schürch en citant les 250 millions de dollars engagés dans un parc éolien aux Etats-Unis. «Mais tant que 40% de la Suisse se chauffera au mazout, les négociants le leur fourniront», a-t-elle conclu.

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«Les solutions techniques existent, mais l’échelle planétaire pose problème»

Si l’agression russe en Ukraine et ses conséquences accélèrent la transition vers les énergies renouvelables, ce mouvement n’aura de sens que si nos modèles sont remis en cause, a souligné Christian Petit: «Les solutions techniques existent, mais l’échelle planétaire pose problème. Pour atteindre une société décarbonée en 2050, nous devrions extraire du sol la même quantité de minerais, nécessaires pour faire fonctionner les batteries électriques, que celle extraite jusqu’à ce jour. Nous devons repenser notre mobilité. On ne peut pas travailler uniquement sur l’offre.»

Si les réponses à court terme manquent, les solutions existent. «A terme, on sait qu’il est possible de fonctionner aux énergies indigènes», a assuré Yasmine Calisesi. Reste à faire évoluer nos modèles.

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