Pierre Maudet, en grand amateur de métaphores militaires, mène sa contre-offensive sur tous les fronts. Le conseiller d’Etat, inquiété par la justice pénale, contrôlé par l’Administration fiscale, appelé désormais à la démission par la présidence de son parti cantonal, convoqué par le PLR suisse pour s’expliquer, a finalement décidé de faire le voyage de Berne. Fidèle à lui-même et à sa philosophie du «je ne capitule jamais», le ministre genevois refuse de lâcher prise et fait passer ses adversaires pour des agités qui n’arrivent pas à garder la tête froide. Sa prestation n’a pas convaincu le comité directeur du parti national, qui lui demande désormais de quitter ses fonctions. Retour sur ce psychodrame politique sans fin.

Particulièrement crispé mardi sur le plateau du 19:30, Pierre Maudet est apparu plus sûr de lui à l’issue d’une séance avec la direction du parti national, qui s’est tenue au Palais fédéral et que tous imaginaient houleuse. Après avoir boudé l’invitation au motif que son agenda de ministre ne lui permettait pas ce déplacement, il a préféré abandonner la stratégie de la chaise vide afin d’exprimer sa position. Ce d’autant plus que le président du PLR genevois, Alexandre de Senarclens, avait lancé le matin même, dans nos colonnes, un appel à la démission. Une rupture dans l’accord d’apaisement conclu quelques jours plus tôt, a regretté le magistrat.

L'image écornée des institutions 

Pierre Maudet a donc pris le train après sa réunion matinale avec l’exécutif. «Il ne nous a pas communiqué qu’il se rendrait à Berne et nous ne lui avons pas posé la question», a précisé Antonio Hodgers, le président du gouvernement, à l’occasion du point presse. La séance avec l’exécutif a aussi porté sur de récents démêlés. «Le Conseil d’Etat a interrogé Pierre Maudet sur les éléments nouveaux concernant sa situation fiscale. Il nous a confirmé être en contact avec l’administration pour revenir potentiellement sur dix ans de déclarations d’impôts», a ajouté Antonio Hodgers. Tout en soulignant que ce volet sera complexe car seront pris en compte les revenus accessoires, les dons, les déductions et les notes de frais.

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Même si un magistrat en bisbille avec son parti «complique l’action politique», Antonio Hodgers assure que l’Etat continue à fonctionner. Le président s’est toutefois dit inquiet pour l’image des institutions, tout en rappelant que le collège n’a aucun moyen de pousser Pierre Maudet à la démission. Ce dernier pourrait rester en fonction, même sans être membre de son parti et même en cas de condamnation.

«Il faut garder la tête froide»

Un souci d’image que ne partage visiblement pas le principal intéressé. A sa sortie de séance fédérale, Pierre Maudet s’est même fendu d’un rappel des grands principes chers au parti: la responsabilité, le respect de la présomption d’innocence. Non sans lancer quelques missiles à l’intention de ceux qui l’ont lâché. «Il faut savoir se battre dignement dans des circonstances de crise, garder la tête froide, en revenir aux règles et ne pas faire d’acrobatie statutaire.» Ou encore: «Il faut retrouver la seule chose qui compte, le contact avec la base.»

Malgré l’ampleur des hostilités, le ministre s’est dit confiant: «Je pense que nous allons traverser ensemble cette crise.» Il n’a évidemment aucune intention de démissionner – sa nouvelle limite étant une condamnation ou une perspective de condamnation certaine – et ne dit rien du contenu des discussions avec la direction du parti suisse. «Si on doit laver son linge sale, autant le faire en famille.» Cette préoccupation semblait bien moins présente lorsqu’il s’est agi de réunir ses soutiens afin de convoquer une assemblée générale extraordinaire du parti cantonal dont on ne sait plus très bien si et quand elle aura lieu.

Valeurs foulées aux pieds

Du côté du comité directeur du PLR suisse, l’heure n’était pas à la temporisation. «Pierre Maudet a foulé aux pieds les valeurs du parti et a perdu sa confiance», ont déclaré ses représentants en sortant de deux heures de réflexion. Pour la présidente, Petra Gössi, le conseiller d’Etat «n’a apporté aucun élément nouveau et n’a pas contribué activement à restaurer cette confiance». Le comité précise aussi «avoir procédé à une évaluation purement politique – et non juridique – du cas». C’est à l’unanimité que la tête du parti a finalement décidé de demander à Pierre Maudet de démissionner.

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Une décision qui appartient au seul magistrat. Et tout laisse penser que cette étape supplémentaire dans le désaveu ne le fera pas fléchir.

Collaboration: Boris Busslinger, Jocelyn Daloz et David Haeberli