Publicité

Pour les éoliennes, le Conseil fédéral lorgne la Suisse romande

Le Conseil fédéral délimite le cadre permettant de construire des mâts pour exploiter l’énergie du vent. La chaîne jurassienne, le Gros-de-Vaud et les Préalpes sont bien placés. Mais le sujet est hypersensible

La remise à niveau des installations du Mont-Crosin est citée comme exemple par le Conseil fédéral. — © Keystone/Jean-Christophe Bott
La remise à niveau des installations du Mont-Crosin est citée comme exemple par le Conseil fédéral. — © Keystone/Jean-Christophe Bott

Les éoliennes étaient au centre des disputes politiques avant le scrutin du 21 mai sur la nouvelle loi sur l’énergie. On ne savait pas alors quelle stratégie le Conseil fédéral proposerait pour l’implantation d’hélices dans le paysage suisse. Le gouvernement avait certes mis un projet en consultation en 2016, mais celui-ci a été gelé dans l’attente du scrutin. C’est d’ailleurs ce qu’avaient souhaité les cantons: ils avaient estimé que le moment choisi pour cette consultation n’était «pas idéal», en raison de la votation à venir sur la Stratégie énergétique 2050 (SE 2050).

A ce sujet: Mode d’emploi pour un courant vert

Le vote passé, le Conseil fédéral a adopté mercredi sa Conception énergie éolienne (CEE), qui fixe le cadre dans lequel les cantons, compétents pour la planification des projets, œuvreront. Le gouvernement rappelle le potentiel qui avait été calculé en 2012. La production d’électricité fournie par le vent, qui était de 0,12 TWh/an – un térawattheure équivaut à un milliard de kWh – en 2015 pour 37 éoliennes en activité, devrait passer à 4,3 TWh d’ici à 2050 et «devenir le deuxième acteur du développement des énergies renouvelables derrière le photovoltaïque, l’hydraulique mis à part». Cela suppose la «construction d’environ 600 à 800 installations éoliennes ou de 60 à 80 parcs éoliens dotés chacun de 10 installations».

Trois catégories

Ces chiffres sont cependant jugés «irréalistes» par la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (FP), qui parle plutôt de 150 à 200 mâts. Au terme de la consultation, le Conseil fédéral a en effet érigé plusieurs obstacles qui restreignent les possibilités de construction de turbines exploitant l’énergie du vent. Il découpe le pays en trois catégories: les zones où aucune éolienne ne peut être construite, celles dont elles doivent être «en principe» exclues mais où des exceptions sont possibles, et celles où elles peuvent être aménagées en fonction sur la base d’une pesée des intérêts.

Les sites marécageux, les parcs nationaux et les réserves d’oiseaux aquatiques et migrateurs entrent dans la première catégorie. La protection est moins rigoureuse pour les biotopes d’importance nationale (zones alluviales, sites de reproduction des batraciens, prairies sèches), les lieux de nidification du gypaète barbu et du grand tétras, les sites inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, à l’Inventaire fédéral des paysages (IFP) et à l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale (ISOS). Ils sont dans la deuxième catégorie, ce que déplore l’association la plus hostile aux éoliennes, Paysage libre Suisse (PLS).

Pas de distance minimale contraignante

Le Conseil fédéral prend aussi en compte le conflit d’intérêts avec l’aviation civile et militaire, car des risques de perturbation des instruments et d’interférence avec les radars existent. Des pylônes de production d’électricité sont «en principe» exclus à proximité des tarmacs, mais ils peuvent être envisagés, selon les situations, dans un rayon de 15 à 20 kilomètres. En raison du bruit, le gouvernement souhaite des «écarts suffisants» autour des habitations. Aucun mât ne devrait «en principe» être érigé dans une «zone tampon de 300 à 500 mètres autour des zones à bâtir». PLS regrette cependant qu’aucune distance minimale contraignante ne soit fixée.

De manière générale, le gouvernement plaide pour une concentration des rotors sur un nombre réduit de parcs, et cela à des endroits où le rendement venteux est suffisant et qui sont aisément accessibles. Il souhaite éviter la dispersion d’un petit nombre d’éoliennes. Il plaide aussi pour la remise à niveau – repowering dans le jargon professionnel – des installations comme cela s’est fait au Mont-Crosin.

Sur la base de ces constatations, le Conseil fédéral a établi une carte des «principales zones à potentiel éolien». La chaîne jurassienne, le Gros-de-Vaud, les Préalpes vaudoises et fribourgeoises, le Mittelland bernois, les collines de Suisse orientale et la partie grisonne de la vallée du Rhin figurent parmi les sites les plus prometteurs. Mais le sujet reste très sensible et la balle est désormais dans le camp des cantons.

Lire aussi: Les éoliennes, une histoire d’amour-haine