VOTATIONS
Aux Chambres fédérales, le camp bourgeois a massivement approuvé la révision. Mais, aujourd'hui, parmi les élus cantonaux et la base, des voix discordantes se font entendre. Tour d'horizon d'une dissidence anti-blochérienne.
Au 28 juillet, ils étaient plus de 120. Des membres de partis bourgeois, plus rarement des entrepreneurs, qui prennent position contre la loi sur l'asile, sur laquelle le peuple se prononcera le 24 septembre. Parmi eux, quatre membres d'exécutifs cantonaux: la PDC fribourgeoise Isabelle Chassot, le radical genevois François Longchamp, le PDC Peter Schönenberger et le radical Hans-Ulrich Stöckling, tous deux membres du gouvernement saint-gallois.
Plusieurs élus en exercice - dont, au niveau fédéral, Martine Brunschwig Graf et Claude Ruey (lib.), Dick Marty et Yves Guisan (PRD), Luc Barthassat, Chiara Simoneschi-Cortesi et Rosmarie Zapfl (PDC) - s'y retrouvent également. Comme de nombreux anciens élus, au nombre desquels plusieurs vieux sages comme les Neuchâtelois Jean-François Aubert et Thierry Béguin et les Genevois Gilles Petitpierre et Jaques Vernet, entre autres.
La plupart disent avoir déterminé leur position rapidement et sans hésitation. Pour des raisons juridiques, éthiques et pratiques.
Premier point critique: l'article 32 de la loi sur l'asile, qui permet, sauf exception, de ne pas entrer en matière sur une demande d'asile déposée par un requérant qui s'avère incapable de produire dans les 48 heures une pièce d'identité ou un document de voyage.
Inacceptable pour des raisons «éthico-juridiques» selon le conseiller d'Etat démocrate-chrétien saint-gallois Peter Schönenberger, cette disposition implique pour Barbara Schmid-Federer, membre du comité directeur du PDC zurichois, un risque d'erreur inacceptable. «Je ne fais pas confiance aux fonctionnaires fédéraux pour appliquer cette disposition avec modération», renchérit un autre PDC, l'ancien député valaisan Daniel Lambiel. Bref, résume le conseiller d'Etat radical genevois François Longchamp, cette dernière apporte «la certitude que des personnes qui mériteraient l'asile en seront exclues».
La possibilité ouverte par la loi sur les étrangers de faire passer d'un à deux ans la période maximale pendant laquelle un étranger peut être détenu en vue de son expulsion choque encore plus certains juristes. Pour le député libéral genevois Michel Halpérin, elle a constitué la seule raison de s'inscrire au rang des opposants - elle est «contraire à tout ce que nous croyons depuis le XIIIe siècle». Utiliser la détention comme moyen de pression est aussi inadmissible pour Peter Schönenberg. C'est ce qui l'a amené après mûre réflexion à se distancier de son parti.
Certains hésitants, note Barbara Schmid, ont renoncé à cette extrémité en raison des avancées de la loi, notamment en matière d'intégration. Mais ce type de calcul n'est pas admissible pour Judith Stamm, ancienne conseillère nationale (PDC/LU): «Sur des sujets aussi sensibles, je ne peux pas accepter des dispositions dont on me dit qu'elles sont encore tout juste passables.»
Autant pour la lettre. D'autres sont plus gênés par l'esprit. Comme Luc Barthassat (PDC/GE) et Yves Guisan (PRD/VD) qui ont voté contre la loi au Conseil national. Un esprit de «mesquinerie juridico-restrictive» pour le second, pour le premier, une vision qui «fait un épouvantail de l'étranger d'où qu'il vienne». Comme Luc Barthassat, de nombreux démocrates-chrétiens donnent une connotation religieuse à leur sursaut éthique; chez les radicaux, il s'est souvent concrétisé autour de l'ancien chancelier de la Confédération François Couchepin. C'est lui, ainsi, qui a alerté l'ancienne conseillère nationale Michèle Berger-Wildhaber (PRD/NE). Car, comme le dit son collègue Peter Tschopp (PRD/GE), «lorsqu'un homme comme François Couchepin sort de sa réserve, c'est le moment de se poser des questions».
Derrière cette opposition «humaniste» se profile souvent l'agacement face à la fascination que les victoires de l'UDC semblent avoir exercé, dans cette affaire, sur les partis bourgeois. Une fascination à laquelle beaucoup attribuent la précipitation avec laquelle ont été adoptées des dispositions qui, relève le conseiller national Claude Ruey (lib./VD), cheville ouvrière du comité, dépassent en sévérité sur certains points la dernière initiative de l'UDC, que le bloc bourgeois avait combattue.
Beaucoup d'anciens élus figurent dans le comité: la délimitation entre eux et ceux qui ont soutenu le texte au parlement est-elle une question de génération? Certains, comme Peter Tschopp, le pensent: l'esprit radical des origines, pour lui, se perd sous l'effet de la fascination exercée par Christoph Blocher. Claude Ruey postule que les «ex» sont plus libres et rappelle la forte pression qui s'est exercée sur les parlementaires fédéraux radicaux et PDC pour qu'ils se montrent disciplinés. Le président des Jeunes libéraux, Mathieu Erb, voit aussi dans cette affaire une question de génération: «Les années à venir seront pénibles, et les jeunes ont besoin pour les affronter d'autre chose qu'une politique de repli.»