Brexit
Les partisans déclarés de l’adhésion de la Suisse à l’UE réagissent au vote britannique

La Suisse a connu ses Euroturbos, ainsi que la génération des «Nés le 7 décembre», pour défendre l’ouverture européenne après l’échec de l’EEE (1992). Ces dernières années, parallèlement aux difficultés de l’Union européenne (UE) et à la montée de la droite nationaliste en Suisse, la flamme europhile helvétique vacille fortement. La sanction du peuple britannique va-t-elle l’éteindre définitivement?
Tout dépend de la réaction de l’UE elle-même, répondent les défenseurs de la cause européenne interrogés par Le Temps. «Nous sommes entrés dans la zone de vérité», note François Cherix, président du Nouveau mouvement européen suisse (Nomes), après avoir dit tout le mal qu’il pense des «incendiaires populistes qui ont mis le feu à la maison européenne.»
Si l’UE se contente de baisser la tête, de s’accommoder, cela ouvre le scénario du pire, de l’effet dominos et d’une désintégration face à laquelle les europhiles suisses ne pourront rien faire, estime François Cherix. Si au contraire, elle parvient à définir un projet qui protège mieux ses citoyens, la construction européenne peut être relancée. Que faire aujourd’hui en Suisse? «Animer le débat sur la nécessité pour du continent européen de s’organiser au lieu de se détricoter. Rester sur les questions de fond et ne pas s’enliser dans les discussions juridico-techniques sur l’article 121A.»
«Ma première réaction est celle d’une tristesse énorme», confie Gilles Grin, directeur de la Fondation Jean Monnet, à Lausanne. Depuis 25 ans, l’UE s’est développée comme un marché très élargi plutôt que comme une union politique, ce qui correspondait aux vues des Britanniques qui lui portent aujourd’hui un coup très dur. En Suisse, l’enthousiasme européen est déjà tombé à un niveau très bas, note avec préoccupation ce chargé de cours sur les questions européennes.: il n’y a plus qu’un Suisse sur dix pour se déclarer favorable à une adhésion à l’UE selon le sondage régulier de l’EPFZ. En réaction au Brexit, l’UE risque de se montrer plus stricte avec les Etats non-membres, ce qui rendra la situation en Suisse plus difficile encore, redoute Gilles Grin.
«Ma seule lueur d’optimisme est que l’UE parvienne enfin à se réformer», déclare Gilbert Casasus, directeur du Centre d’études européennes de l’Université de Fribourg. En revenant à l’idée d’un noyau dur et/ou en se donnant plus de légitimité démocratique. Les europhiles suisses ont sans doute déjà intégré l’idée qu’il est nécessaire d’injecter de la démocratie directe dans l’UE et c’est une idée qu’ils peuvent porter.» «Je continue de penser qu’il serait mieux pour la Suisse d’être dans l’UE, mais je reconnais qu’elle peut s’en passer», note René Schwok. Le professeur genevois tient à se placer du côté des pragmatiques et à souligner qu’il est «moins désabusé que certains idéalistes, depuis longtemps en perte de vitesse.»
La paix et la solidarité entre les peuples
La conseillère nationale Lisa Mazzone (Verts/GE) reste confiante dans la fibre européenne de la jeune génération, qui passent pourtant pour voter souvent UDC. «Il n’y a pas assez de projet social, de redistribution des richesses dans l’UE et les Etats membres. Mais nous devons rappeler que les valeurs de l’Europe sont aussi celles de la paix et de la solidarité entre les peuples, ajoute la vice-présidente du Nomes. «Le Brexit fait réagir, se réjouit Nicole Nickerson, présidente des Young European Swiss (YES), un mouvement de jeunes qui, comme le Nomes auquel il est rattaché, prône l’adhésion à l’UE. Depuis ce matin, je reçois des appels de gens intéressés à nous rejoindre, comme cela s’était produit au lendemain du 9 février 2014.»