Outre Eva Herzog, Le Temps a dressé le portrait d'une des deux autres candidates socialistes à la succession de Simonetta Sommaruga: Elisabeth Baume-Schneider.

On connaîtra la composition du ticket PS le 26 novembre. L'élection se déroulera le 7 décembre.

A peine la démission de Simonetta Sommaruga était-elle connue qu’elle est apparue comme la grande favorite de la course à sa succession: Eva Herzog, née un jour de Noël voici soixante ans à Bâle. Le 7 décembre prochain, les Rhénans pourraient bien retrouver une successeure au légendaire Hans Peter Tschudi, grand artisan du développement des assurances sociales en Suisse. C’était il y a un demi-siècle.

«Eva Herzog euphorise Bâle», a titré la NZZ au lendemain de l’annonce de sa candidature. Après des études d’histoire, la jeune femme codirige un espace culturel avant de bifurquer vers la politique. Après avoir accédé au Grand Conseil bâlois qu’elle préside, elle se lance dans la course au Conseil d’Etat et, à la surprise générale, offre à la gauche une majorité en 2005. Mais cet état de grâce ne dure guère lorsqu’elle reprend la direction des Finances: «Une gauchiste, femme et historienne»! Aux yeux de la droite bâloise, c’était l’apocalypse programmée.

Un compromis historique

Quinze ans plus tard, non seulement les critiques se sont tues, mais elles se sont muées en propos dithyrambiques. En fait, Eva Herzog, c’est un peu l’alliance de Pascal Broulis et de Pierre-Yves Maillard au gouvernement vaudois incarnée à Bâle par une seule personne! Après avoir lutté en vain pour la réforme de la fiscalité des entreprises RIE III, elle pilote un compromis historique lors d’un nouveau projet qui réunit à la fois la fiscalité des entreprises et un financement de l’AVS (RFFA). La droite salue une baisse d’impôts pour les entreprises et les particuliers, tandis que la gauche se félicite d’une hausse des allocations familiales et de l’imposition des dividendes.

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En 2019, le choc est rude pour Eva Herzog lorsqu’elle arrive sous la coupole fédérale. Elle passe d’un gouvernement cantonal à majorité de gauche à un Conseil des Etats très conservateur. Entourée à Bâle de son état-major de direction, elle se retrouve seule à Berne, où elle doit faire sa place. Elle se la fait, mais dans l’ombre de la Délégation des finances. Durant les années covid où le parlement est mis hors jeu au début du droit d’urgence, c’est cet organe de six personnes qui entérine toutes les mesures du Conseil fédéral qui ne sont pas incluses dans le budget de la Confédération. «A la fin, nous avons pu aider tous ceux qui avaient besoin d’aide», témoigne-t-elle.

Eva Herzog porte désormais tous les espoirs de la Suisse du nord-ouest sur ses épaules. Elle n’a pas longtemps hésité à se porter candidate. Après s’être enquise de l’avis de sa famille – «vas-y, maman», l’ont encouragé ses deux fils de 25 et 22 ans –, elle a décidé de foncer: «Je suis davantage une politicienne d’exécutif que de parlement. J’aime faire avancer les choses», confie-t-elle.

Bien sûr, au Conseil fédéral, on ne représente plus son canton. Mais on n’en oublie pas ses racines pour autant. «Nous habitons une région transfrontalière voisine de la France et de l’Allemagne. Cette situation géographique nous sensibilise à l’importance de la relation entre la Suisse et l’UE», note-t-elle. L’occasion de déplorer l’impasse actuelle du dossier. «C’est une catastrophe, en particulier pour le monde de la recherche. Il est dommage que le Conseil fédéral donne l’impression d’attendre les prochaines élections fédérales avant d’agir», déplore-t-elle.

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En 2010, Eva Herzog s’était déjà portée candidate au Conseil fédéral, mais à l’époque le duel s’était cantonné entre Simonetta Sommaruga et Jacqueline Fehr. Douze ans plus tard, la situation est tout autre, mais les questions des journalistes tout aussi machistes. «N’êtes-vous pas trop âgée»? La papable se désespère: «Quand une politicienne est jeune, elle est encore trop peu expérimentée. Quand elle a des enfants en bas âge, elle doit d’abord s’en occuper plutôt que de briguer le Conseil fédéral et ensuite elle est trop âgée.» Tel est le drame des femmes en Suisse, où la politique familiale est celle d’un pays en voie de développement. Beaucoup de choses restent à faire, à commencer par augmenter le nombre de places de crèches tout en abaissant leur coût, développer les écoles de jour et réaliser l’imposition fiscale individuelle.

La réunion exclusive des sénatrices

Aux Etats, Eva Herzog s’est fait l’initiatrice d’une grande première: des réunions entre sénatrices uniquement. Tous les lundis de la troisième semaine de session, les 13 conseillères de la Chambre haute se retrouvent dans une salle du restaurant Lorenzini pour discuter de thèmes touchant particulièrement les femmes. «J’ai pensé que nous devions absolument travailler au-delà des frontières partisanes», explique-t-elle. Plusieurs initiatives ont débouché de ces séances, dont par exemple une motion visant à mettre en place des permanences professionnelles fournissant une aide, 24h/24 et 7j/7, aux personnes victimes de violences. Les deux Chambres l’ont approuvée, répondant ainsi à une exigence de la Convention d’Istanbul.

Sous la Coupole, Eva Herzog a bonne réputation, même si elle n’est pas aussi flatteuse que sur les bords du Rhin. «C’est une sociale-démocrate qui a toujours défendu la chimie bâloise, mais pour le reste elle est très à gauche, y compris dans son féminisme», déclare Charles Juillard (Le Centre/JU), qui l’a bien connue lorsqu’il a présidé la Conférence des directeurs cantonaux des finances. «Elle est très solide, compétente et respectée», relève pour sa part Adèle Thorens (Les Vert·e·s/VD). Seul bémol entendu: «Elle n’est pas conviviale ni synthétique dans son propos. C’est difficile de travailler avec elle», regrette un sénateur de droite.

Ce samedi 26 novembre, la Bâloise a de très bonnes chances de figurer sur le ticket socialiste des deux femmes qui sera soumis à l’Assemblée fédérale. Elle a déjà annoncé. «Je ne me contenterai pas de faire une seule législature». C’est dire qu’elle travaillera au-delà de 65 ans. L’occasion de montrer que l’avenir réside dans la flexibilisation de l’âge de la retraite.