Le 25 février à Nyon, des élus de France voisine demanderont à ­Michel Platini, le président de l’UEFA, si le stade genevois de la Praille peut être mis à disposition du club français d’Evian-Thonon-Gaillard (ETG) pour ses rencontres de championnat de Ligue 1. Se joindront à la délégation Olivier Mutter, chargé des sports au canton de Genève, Benoît Genecand, président de la Fondation du Stade de Genève, Hugh Quennec, président du Servette, et Patrick Trotignon, président de l’ETG.

Une telle requête avait déjà été formulée en 2010, vite rejetée par le patron de l’UEFA sous le prétexte «que les équipes ne peuvent jouer leur championnat à l’étranger». «Depuis, le Grand Genève est né, juridiquement organisé autour du Groupement local de coopération frontalière. On ne peut plus dire que l’ETG jouerait sur sol étranger», corrige Christian Dupessey, maire d’Annemasse.

L’ETG, qui a connu une ascension fulgurante – le club évoluait encore en troisième division en 2009 –, est dépourvu de stade. Le sien, 2700 places à Thonon – sans parking ni pissotières, dit un supporter –, n’est plus homologué. L’équipe joue au Parc des sports d’Annecy, qui peut contenir 15 000 spectateurs, en attendant mieux, c’est-à-dire l’acquisition de son propre stade de 20 000 places. Le lieu reste à trouver. On évoque les noms de Ville-la-Grand, près de Genève, et de Seynod, en périphérie d’Annecy.

Les Verts franco-suisses, emmenés par Philippe Martinet – président du Grand Conseil vaudois –, estiment qu’un tel projet à proximité de l’enceinte genevoise serait une aberration financière et écologique. Claude Barbier, Vert transfrontalier de Viry (Haute-Savoie), explique: «Le pragmatisme doit l’emporter, nous avons, d’un côté, une équipe sans stade et, de l’autre, un stade presque sans équipe. Mettons en commun nos ressources afin d’éviter une coûteuse idiotie.» Prix estimé de la construction d’un éventuel stade: 80 millions d’euros (99 millions de francs).

«Dans cette période économiquement difficile, la dépense serait malvenue. De plus, l’UEFA milite pour le fair-play financier et exige l’assainissement des comptes des clubs, ce serait là l’exemple d’une politique raisonnable», enchaîne Christian Dupessey. La direction de l’ETG ne communique pas à ce sujet mais Patrick Trotignon sera bel et bien présent lundi au siège de l’UEFA, à la demande expresse de l’argentier de l’ETG, Franck Riboud, le PDG du groupe Danone, premier sponsor du club.

Il faut dire que l’équipe se traîne en queue de classement et est menacée de relégation. Les finances risquent à terme d’en souffrir, d’autant que Danone, affecté par la crise, vient d’annoncer qu’il supprime 900 emplois. Patrick Trotignon, qui rêve de doter son club d’une infrastructure sur le modèle des grands clubs (outre le stade, seraient intégrés le siège, un hôtel et des commerces), est invité à revoir ses ambitions sérieusement à la baisse. La solution genevoise sous forme de location tomberait, dans ces conditions, à pic.

Dans la Cité de Calvin, la perspective de voir une équipe française évoluer à la Praille ne déplaît pas. L’UDC Eric Bertinat confie: «Cette enceinte, qui a coûté 120 millions de francs, ne sert le plus souvent à rien et elle est un gouffre financier, autant tenter de la rentabiliser.» Frédéric Renevey, conseiller administratif socialiste de Lancy, commune sur laquelle a été construit le Stade de Genève, y voit une chance d’améliorer son image et de réduire ses pertes. «Lancy a versé 3 millions de francs dans le projet puis encore 3 millions sous forme de prêt pour éviter la faillite, nous n’avons jamais revu la couleur de cet argent», avance-t-il.

Olivier Mutter, le directeur du Service cantonal du sport, rappelle qu’aucune démarche officielle n’a encore été entreprise auprès de l’Etat mais que celui-ci est ouvert à l’idée d’étudier une possible cohabitation entre l’ETG et le Servette Football Club (SFC), qui joue ses matches sur cette pelouse. «Au pire, ironise un Servettien, on aura un jour l’ETG FC, Evian-Thonon-Genève Football Club!» La Fondation du Stade de Genève juge que la venue des Haut-Savoyards serait profitable à une enceinte «le plus souvent vide et tristement silencieuse».

Hugh Quennec, président du Servette Football Club, attend de rencontrer les responsables français pour se forger une opinion. L’une de ses craintes est de voir des jeunes de ses écoles de formation rallier l’ETG, club appelé à recevoir le Paris Saint-Germain des Beckham et Ibrahimovic, et donc plus «fun».

Le MCG apporte sa voix discordante en accusant la France de vouloir faire main basse sur le stade de la Praille, et vilipende le maire d’Annemasse, «qui confond son porte-monnaie avec celui de Genève et se prend pour le huitième conseiller d’Etat de la République». Le parti populiste met d’ores et déjà en garde contre les problèmes de sécurité engendrés par la déferlante de certains supporters marseillais, lyonnais et parisiens réputés violents. «Un OM-PSG, c’est 3000 policiers déployés, souligne Roger Golay, président du MCG. Voilà le casse-tête qui attend la police genevoise, qui est déjà en sous-effectif et doit avant-tout veiller sur la sécurité des citoyens.»

Cette affaire de stade pourrait aussi se résumer à un règlement de compte franco-français. La très aisée région d’Annecy a toujours tourné le dos au nord du département, moins gâté, le Chablais notamment, berceau du club haut-savoyard. Le tout puissant Bernard Accoyer, maire UMP d’Annecy-le-Vieux, souhaite attirer et installer chez lui le populaire et emblématique ETG. En allant lundi plaider la cause du stade de la Praille, les élus français, socialistes pour la plupart, veulent aussi mettre en échec celui qui fut président de l’Assemblée nationale sous l’ère Sarkozy.

«Un OM-PSG, c’est 3000 policiers déployés. Voilà le casse-tête qui attend la police genevoise»