Les explications du juge Delieutraz
Genève
Les parties au procès BCGE ont reçu ce matin la décision du plénum de la Cour de justice qui a récusé le président. Extraits
Les explications ont déjà été données jeudi dernier mais la décision proprement dite a été notifiée ce matin aux parties impliquées dans le procès avorté des anciens dirigeants et réviseurs de la BCGE. En 7 pages, le plénum de la Cour de justice retrace la procédure – désormais bien connue – qui a abouti à l’audition du président Jacques Delieutraz, sommé de préciser les contours d’un tirage au sort controversé, et cite les passages qui ont finalement conduit à la récusation de ce magistrat. Extraits de cette explication
«Pour le tirage proprement dit le greffier est assis en face de moi et il ne voit pas le contenu du carton qui se trouve devant moi. Personnellement, je vois les fiches qui sont dans le carton et qui sont lisibles. Il y a dans ce carton deux colonnes et je vois en principe une fiche de chaque colonne. Je mets le doigt sur une fiche que je sors du carton et je donne à mon greffier cette fiche afin qu’il note uniquement le numéro figurant sur la fiche et l’identité de la personne désignée.
Le 25 mai 2010, je n’ai pas tiré de fiche hors du carton pour ensuite la remettre dans le carton. Mais par contre, il m’est arrivé de lire une fiche et de ne pas la retenir. Je me souviens notamment d’avoir lu le nom d’un médecin-dentiste que je n’ai pas pris, car j’ai considéré que d’un point de vue économique cela serait trop onéreux. Dans ce cas-là, j’ai pris la fiche qui se trouvait immédiatement devant et qui était une fiche sur laquelle je ne pouvais lire quoi que ce soit. J’estime à trois ou quatre le nombre de cas de ce genre qui s’est produit lors du tirage du 25 mai 2010.»
Le juge a encore précisé, note la décision, qu’il avait agi pour éviter des frais excessifs ou par crainte du manque de disponibilité de ces personnes, issues de professions libérales, et afin que le procès puisse avoir lieu.
Le plénum motive ainsi la récusation: «En agissant ainsi, il n’a pas procédé à un tirage au sort intégral, soit à un prélèvement au hasard d’un élément dans un ensemble, et a contrevenu au texte strict de la loi. Peu importe la nature des motifs qui l’ont animé, et sa bonne foi et sa probité n’y changent rien non plus. Le fait est qu’en agissant de cette manière, il n’a pas respecté les lois du hasard; en cherchant à maintenir dans la liste des personnes susceptibles d’assumer les contraintes liées à un procès de longue durée, soit en ne communiquant pas au greffier les noms figurant sur certaines fiches désignées par le sort et en choisissant et annonçant en leurs lieux et places celles immédiatement précédentes, il a adopté une attitude qui est en soi propre à créer une apparence légitime de suspicion à son égard, laquelle suffit à justifier sa récusation.»
Une récusation qui fait parler d’elle loin à la ronde. Ce matin – même, devant le Tribunal criminel de Lausanne - qui juge le meurtre d’Epalinges - le procureur général Eric Cottier, évoquant une «expérience voisine et récente», s’est assuré que la formation du jury ne suscitait aucune opposition avant d’entamer les débats. Il vaut mieux prévenir que guérir.