A l’approche des élections fédérales, l’exercice de transparence du conseiller d’Etat Serge Dal Busco crispe quelque peu la droite. Convoqué vendredi par le Ministère public genevois pour s’expliquer sur le don de 10 000 francs reçu de la part du groupe hôtelier Manotel, le ministre a accordé dans la foulée un entretien à la Tribune de Genève et à l’ATS, où il réfute tout lien entre la restitution, tardive, de ce don et l’éclatement de l’affaire Maudet. Mais sa vérité n’est pas de nature à rassurer.

A la notoire exception du Parti démocrate-chrétien, qui s’est fendu d’un communiqué en forme de satisfecit laconique réitérant sa confiance au ministre: «Ses explications approfondies corroborent celles qu’il avait données à la présidence cantonale. Aucun élément nouveau, ni indice sérieux permettant de douter de la probité de Serge Dal Busco ne sont par ailleurs intervenus dans l’intervalle.» Le président du parti, Vincent Maitre, n’a pas souhaité commenter plus avant. On sent que l’envie est de classer l’affaire au plus vite. Jamais avare d’un commentaire, le député Bertrand Buchs résume ainsi: «On voit bien dans les réponses de Serge Dal Busco qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat, et ce qu’il dit est juste. Le parti avait en effet signalé aux candidats qu’il manquait d’argent. Désormais, nous avons tourné la page.»

Les explications apparaissent comme floues

Côté PLR, on préfère renoncer à tacler le partenaire de l’Entente à un mois des élections. Le parti bourgeois a déjà son affaire Maudet, qu’on ne manquerait pas de lui rappeler s’il s’avisait de faire des parallèles. D’autre part, les commentaires mordants ne feraient que renforcer l’image d’une droite légère sur les questions d’argent. Mais il y a peut-être autre chose: les explications de Serge Dal Busco apparaissent à beaucoup comme floues. La confusion, si elle n’est pas un aveu de culpabilité, l’est à tout le moins de négligence.

Serge Dal Busco, approché par Paul Muller qui veut financer sa campagne, lui répond d’abord que les dons doivent se faire au parti. Mais le ministre accepte finalement ce don dans l’entre-deux-tours, son parti ayant fait savoir qu’il manquait d’argent. «Dans l’euphorie, j’ai accepté dans le but de reverser ce don à mon parti», déclare-t-il. Il donne toutefois son numéro de compte bancaire. «Je ne vois le problème à aucun moment, avoue-t-il non sans une certaine naïveté. J’ignorais d’ailleurs à ce stade quelle somme il comptait verser.» Puis l’affaire «lui sort de la tête», du 23 avril dernier, où la somme lui est versée, jusqu’à mi-août, où il constate, en rassemblant ses justificatifs comptables pour sa déclaration d’impôt, que le versement ne vient pas de Paul Muller, mais du groupe qu’il dirige. Dans l’embarras, ne voulant ni apparaître à tort comme donateur du PDC en cas de versement de l’argent au parti, ni trahir la volonté de Paul Muller, qui voulait soutenir le candidat et non pas son parti, il décide alors de restituer la somme, fin août, avant que n’éclate l’affaire Maudet. Il assure que celle-ci n’a eu aucune incidence sur sa décision, et verse l’argent le 18 septembre.

«On ne comprend toujours pas pourquoi il a reçu cet argent»

«Ces explications n’apparaissent pas crédibles, on a l’impression qu’il se fout du monde, commente un PLR. Passe encore que Serge Dal Busco n’ait pas fait le lien entre Paul Muller et Manotel. Mais il donne ses coordonnées bancaires privées, et on ne comprend toujours pas pourquoi il a reçu cet argent.» Il pointe aussi sa discrétion envers le Conseil d’Etat, que le ministre n’informe que tardivement de son audition par la justice. Un autre élu relève aussi ses doutes quant au timing, «même si Serge Dal Busco prétend que l’affaire Maudet n’a pas compté dans sa volonté de restituer l’argent».

A gauche, nul besoin d’aller par quatre chemins. «Je suis choqué, déclare Thomas Wenger, chef du groupe socialiste au Grand Conseil. Nous avons un conseiller d’Etat qui nous dit avoir donné ses coordonnées bancaires privées, sans savoir qui, exactement, verse l’argent, et combien. Cela pose la question de ce que la personne attend en retour. Mais cela révèle surtout l’opacité qui règne autour du financement des campagnes.» A l’UDC, le député Thomas Bläsi se dit partagé: «On a envie de le croire, mais on n’y arrive pas. L’impression finale de cette communication qui apparaît comme plus réfléchie que spontanée, c’est un manque de crédibilité. Mais je n’ai pas envie non plus d’en dire du mal.»

Ambivalente, la classe politique: Serge Dal Busco apparaît dans ses commentaires comme un conseiller d’Etat toujours présumé honnête, mais dont le manque supposé d’envergure et de courage l’aurait conduit à ces cafouillages et atermoiements.