Armement
Les opposants à l’assouplissement de l’ordonnance sur les exportations d’armes décidé par le Conseil fédéral lancent un appel à la société civile. Ils demandent un débat au Conseil national

Selon toute vraisemblance, le peuple devra se prononcer sur les exportations d’armes à l’étranger. Les opposants à la volonté du Conseil fédéral d’assouplir l’ordonnance à ce sujet ont constitué une large coalition et ont lancé un appel à la société civile. Ils se sont fixé pour but de trouver 25 000 personnes, dans les deux prochaines semaines, s’engageant chacune à récolter quatre signatures dans le but de lancer une initiative populaire. Un objectif qui semble atteignable.
Carton rouge au Conseil fédéral qui veut assouplir l’ordonnance sur les exportations d’armes. Une large coalition menace de lancer une initiative. pic.twitter.com/6FgV54gmsz
— Michel Guillaume (@mfguillaume) September 10, 2018
Notre éditorial: Exportations d’armes: le jeu risqué du Conseil fédéral
Le Conseil fédéral ne veut plus bloquer systématiquement les exportations d’armes vers des pays en situation de conflit interne «s’il n’y a aucune raison de penser que les armes suisses seront utilisées dans cette guerre». En décidant le 15 juin dernier d’écouter l’industrie de l’armement craignant des délocalisations d’emplois, le Conseil fédéral a déclenché un tollé dont il n’avait pas imaginé l’ampleur. Il n’y a pas que la gauche qui s’offusque. Président du PBD – une dissidence de l’UDC –, Martin Landolt a été le premier à s’indigner: «Il est nécessaire que les exportations d’armes aient une large légitimation démocratique. Il n’est pas admissible qu’elles se règlent comme une simple mesure administrative.»
Les contrôles sont trop laxistes et les interdictions peuvent facilement être contournées
«Personne ne peut servir à la fois la paix et la guerre»
Après la publication d’un rapport du Contrôle fédéral des finances qui, bien que caviardé, démontre qu’il était possible de contourner les prescriptions de l’ordonnance, les rangs des détracteurs n’ont fait que gonfler. Les Eglises s’y sont vite ralliées. «Du point de vue de l’éthique chrétienne, un assouplissement de l’ordonnance est intolérable», clame Thomas Wallimann-Sasaki, président de la commission d’éthique de la Conférence suisse des évêques. Même discours dans la bouche de Johannes Bardill, qui, dans une lettre signée par 150 pasteurs de l’Eglise évangélique protestante de Zurich, a rappelé au Conseil fédéral que la neutralité et l’humanité sont les racines de ces valeurs éthiques en cas de conflit. «Personne ne peut servir à la fois la paix et la guerre», a-t-il souligné.
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Dans une interview au journal dominical SonntagsBlick, le conseiller fédéral Guy Parmelin, chef du Département de la défense, a assuré que la Suisse ne livrait pas de matériel de guerre utilisé dans des pays en guerre. «Je peux vous garantir que l’entreprise Ruag ne fournit plus de grenades à main à des pays arabes, que ce soit la Syrie ou la Libye. C’est tabou.» Une affirmation qui n’est pas crédible, selon la socialiste zurichoise Priska Seiler Graf. «Au Yémen, l’armée saoudienne a engagé des chars Piranha, tandis que les milices terroristes de Boko Haram ont disposé de chars Mowag. C’est dire que les contrôles sont trop laxistes et que les interdictions peuvent facilement être contournées», a-t-elle rétorqué.
«Pas une révolution»
Cette large coalition est désormais prête à lancer une initiative, dont le texte a déjà été soumis à la Chancellerie fédérale. Sa principale revendication consiste à édicter une loi soumise au référendum, soit en fin de compte à l’aval du peuple. «Mais ce texte ne constitue pas une révolution. Nous ne proposons pas une interdiction totale des exportations de matériel de guerre», a tenu à préciser le Vert’libéral Beat Flach (AG).
Dans un premier temps, la démarche de cette alliance entre de nombreux partis – presque tous, sauf l’UDC et le PLR – et la société civile se conçoit comme un instrument de pression. Tout le monde attend en effet de voir ce qui se passera lors de la session parlementaire qui a débuté ce lundi. En réunissant le soutien de 75 parlementaires, les opposants à l’assouplissement de l’ordonnance entendent réclamer un débat d’actualité au Conseil national. Si celui-ci est accordé par le bureau, il se déroulerait le 26 septembre. Et c’est à son terme que la Chambre basse se prononcerait sur plusieurs interventions déposées par le PBD de Martin Landolt, dont l’une demande justement la création d’une loi.
Cela dit, il n’est pas certain que la décision du Conseil national, où le PLR et l’UDC détiennent à eux seuls la majorité des voix, aille dans le sens de cette coalition. Le lancement de l’initiative apparaît donc très probable.