Fabien Fivaz, l'écologiste sombre qui cherche à verdir Berne
Portrait
Nouvel élu vert au Conseil national, le Neuchâtelois est pessimiste quant aux chances de faire bouger les choses. Le biologiste n’épargnera toutefois pas ses forces pour combattre l'inertie fédérale

Fabien Fivaz ne fait pas partie des bavards. Les longs discours, les grandes élucubrations à la tribune, ce n’est pas son truc. Taiseux, il n’en est pas moins politicien, depuis peu au plus haut niveau. En octobre, le Neuchâtelois a rejoint le Conseil national, et son parti a vécu la vague que l'on sait. Un succès sur toute la ligne? Oui et non. Elu mais pas triomphant, l’homme est pessimiste sur l’avenir de la planète, dubitatif quant à la capacité de changement de la société. Mais combatif malgré tout. Il s’engagera pour «sauver ce qui peut l’être», c’est un sceptique actif.
C’est Christoph Blocher qui l’a fait entrer dans les ordres. En 2003, l’UDC zurichois parvient au Conseil fédéral. Un déclic: «J’ai appelé le président des Verts de La Chaux-de-Fonds dès le lendemain», se rappelle Fabien Fivaz. Fils d’une mère enseignante de langue et d’un père dessinateur en machine, le Neuchâtelois a rarement parlé politique à la table familiale et se souvient avoir été un adolescent «peu concerné» par les problèmes environnementaux. Il est toutefois devenu biologiste entre-temps: «J’étais déjà très au fait de la destruction en cours des écosystèmes et de la biodiversité et je ne me voyais pas rejoindre une grosse machine pyramidale comme le PS. Le choix des Verts a été rapide.»
Pour que les gens fassent quelque chose pour la planète, il faut leur expliquer les enjeux dès l’école primaire. L’impact de l’homme, le mode du changement climatique…
A peine entré en politique, aussi vite élu. Deux ans après avoir rejoint les écologistes, il accède au Conseil général de La Chaux-de-Fonds. «C’était très local. Il y avait ce côté sympathique de pouvoir influencer directement ce qui se passe au sein de sa commune. Mais on votait quand même beaucoup sur les tuyaux d’égout et les giratoires.» Alors il vise l’échelon supérieur. Et rejoint le Grand Conseil neuchâtelois quatre ans plus tard.
Mais déjà, le biologiste a le regard tourné vers Berne. En 2011 puis en 2015, il est candidat au Conseil national, sans succès. La troisième tentative sera la bonne. «Pour lui c’est une consécration», commente Céline Vara, sénatrice neuchâteloise également élue en octobre. La Verte connaît bien Fabien Fivaz, avec qui elle a fondé le parti des Jeunes Verts du canton. «Il a toujours été très investi, c’est un passionné de politique, un leader et un bosseur. Mais comme il est discret, son action est parfois restée dans l’ombre. Cette élection le légitime.»
Le grand chamboulement
Tempête politique, le tourbillon d’octobre a bousculé le parlement et la vie du Vert. Employé au Centre suisse de cartographie de la faune à 80% depuis 2006 – institution qu’il a tout d’abord découverte en tant que civiliste après avoir complété son école de recrues –, il a en grande partie délaissé la gestion de la base de données de recensement des espèces qu’il administrait jusque-là: «Depuis le 1er janvier, je n’y travaille plus qu’à 10%.» Le but? «Me concentrer sur mon nouveau mandat», dit-il. Et tenter comme il peut de préserver son jour de congé hebdomadaire.
«D’habitude, je m’occupe de mes deux enfants, 4 et 8 ans, un jour par semaine. Mais entre les sessions, l’étude des dossiers et les séances de commissions, je ne sais pas si je vais pouvoir continuer à le faire. Je ferai tout ce qui est possible pour y parvenir.» En parallèle à l’éducation de ses propres enfants aux côtés de sa compagne, enseignante à 50%, Fabien Fivaz se penchera bientôt sur celle de tous les autres en tant que membre de la commission du Conseil national chargée des questions de formation. Le nouvel élu réfléchira bientôt à l’instruction de demain. Et il compte bien y porter le message vert.
«Nous n’avons pas cent ans»
«Si nous voulons que les gens fassent quelque chose pour la planète, il faut leur expliquer les enjeux dès l’école primaire. L’impact de l’homme, le fonctionnement du changement climatique, comment limiter son empreinte écologique. La «stratégie biodiversité» développée par la Confédération ne prévoit pour le moment de développer ce genre de mesures qu’à partir de 2023. Je pense au contraire qu’il faut s’y mettre tout de suite.» Comme l’éducation est une prérogative cantonale, il reconnaît cependant que son impact sera limité. Egalement membre de la Commission de politique de sécurité du Conseil national, il aura également fort à faire pour infléchir les positions de ses collègues du côté écologique.
Des obstacles à sa vision écologiste, il y en aura, Fabien Fivaz le sait. Grimpeur émérite, le politicien possède toutefois l’esprit de compétition du sportif. Mais son âme est inquiète: «Je ne suis pas tellement optimiste, concède-t-il. J’ai peur que le système dans lequel nous vivons ne nous empêche de prendre les mesures qui s’imposent. Et sans changer le système, nous n’y arriverons pas. Je suis d’autant plus sceptique sur nos chances d’enrayer la crise écologique qu’il faut aller vite. Nous n’avons pas cent ans. L’effondrement de la biodiversité est aussi particulièrement inquiétant. On peut se fixer l’objectif de laisser le pétrole dans le sol, mais si les insectes disparaissent, la pollinisation n’est plus assurée et la propreté des eaux ou des sols est en danger. C’est encore bien plus dramatique.»
Face à de grands défis, il est quand même un problème que Fabien Fivaz n’aura pas: la langue. De mère allemande, il a grandi bilingue. «Clairement un avantage à Berne», sourit-il.
Profil
1978 Naissance à La Chaux-de-Fonds.
2002 Diplôme de biologiste, Université de Neuchâtel.
2009 Election au Grand Conseil neuchâtelois.
2011 et 2015 Naissance de ses deux enfants.
2019 Election au Conseil national.