Les défenseurs des hautes écoles et des chercheurs sont inquiets. A quelques encablures du premier débat parlementaire sur le programme fédéral d’encouragement à la formation, à la recherche et à l’innovation, ce jeudi au Conseil national, les élus soutenant ces domaines ne sont plus du tout sûrs de pouvoir convaincre leurs collègues d’augmenter l’enveloppe prévue pour les années 2017 à 2020. Proposé par le Conseil fédéral, ce crédit s’élève à 26 milliards de francs, en hausse de 2%, moins que la moyenne de 3,7% des quatre années précédentes.

Malgré un intense lobbyisme des milieux de la formation et de la science, les tenants de la rigueur financière – des députés UDC, PLR et PDC – semblent pouvoir remporter une majorité. «Le dossier arrive au National après une succession de nouvelles dépenses pour l’armée, les paysans et l’aide au développement, on ne réfléchit plus au fond, on ne parle plus que de chiffres, une calculette à la main», déplore Fathi Derder (PLR/VD), membre de la commission de la science, ardent défenseur des EPF et de la recherche. «Nous sommes le seul pays où l’on économise dans la formation, alors que nous avons des moyens à disposition, c’est dramatique.»

Pas de coupe

Dans l’arène politique, deux camps s’affrontent. D’un côté, les partisans de l’orthodoxie budgétaire qui soutiennent le projet du Conseil fédéral. C’est le cas de la majorité de la commission des finances du Conseil national; les groupes PLR et PDC – du moins leur majorité – partagent cet avis: leurs groupes recommandent de soutenir une croissance de 2%, considérant notamment qu’aucune coupe n’est prévue, la progression du budget n’étant que ralentie.

La majorité des parlementaires de la commission de la science, de l’éducation et de la culture sont d’une opinion diamétralement opposée: ils plaident pour une augmentation des ressources et une croissance de 3,2% de l’enveloppe «afin de pouvoir atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Conseil fédéral», en particulier pour la formation professionnelle et continue, les EPF, les universités et les hautes écoles spécialisées (HES).

Ces élus se font le relais des hautes écoles et de la recherche: à peine le programme d’encouragement présenté par le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, les milieux académiques et scientifiques avaient critiqué «l’insuffisance» des montants prévus. «On ne peut pas à la fois déclarer politiquement que la formation, la recherche et l’innovation constituent des domaines prioritaires et les couper à ras quand on passe la tondeuse à gazon budgétaire», avait lancé Martin Vetterli, futur patron de l’EPFL et actuel président du conseil de la recherche du Fonds national. Le scientifique fait référence au programme fédéral d’économies qui met à contribution ces domaines à hauteur de 20% alors qu’ils représentent environ 10% des dépenses de la Confédération. Pour l’instant, les défenseurs de la formation académique et ceux de la formation professionnelle avancent main dans la main pour défendre un paquet ficelé.

Lire aussi: Mobilisation générale pour les crédits de la recherche

Mais Fathi Derder et trois de ses collègues PLR, Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’USAM (l’Union suisse des arts et métiers), Christoph Eymann, responsable de l’Instruction publique bâloise et président de la Conférence des directeurs de l’Instruction publique, ainsi que le bernois Christian Wasserfallen, proche des HES, n’ont pas réussi à convaincre les autres élus libéraux-radicaux de dézipper le porte-monnaie fédéral. «Il est difficile de faire comprendre qu’avec les missions des hautes écoles qui augmentent et un nombre d’étudiant croissant, les moyens prévus ne suffiront pas», plaide Christian Wasserfallen.

Travail de conviction

Face aux signaux négatifs, les membres de la commission de la science se seront battus jusqu’à la dernière minute pour convaincre d’autres parlementaires, aller chercher les voix une par une et tenter de rassembler une majorité pour une plus forte hausse du crédit. Vice-présidente de la commission, Christine Bulliard-Marbach (PDC/FR) estime que le jeu reste ouvert et qu’après «un intense travail de conviction», certains s’interrogent et réfléchissent: «La formation et la jeunesse, ce sont quand même notre avenir et notre pétrole!»

Des parlementaires PDC changeront-ils d’avis? Oseront-ils voter contre l’avis du groupe? C’est dans ce parti en tout cas – ainsi qu’au centre – que des voix pourraient être gagnées, la gauche étant, elle, acquise à la cause de la formation. Gerhard Pfister, le président du PDC, qui connaît très bien l’univers des écoles privées, vit lui-même une situation compliquée: comme membre du groupe parlementaire formation-recherche-innovation, il a rédigé un message de soutien à la hausse de 3,2% en début de session, alors que comme président de parti, il défend la rigueur, car «une large majorité du PDC est favorable à la proposition du Conseil fédéral».

Lire aussi: Les hautes écoles perdent une première manche