Samedi, sa fille aînée Elsa (19 ans), la sœur de Lucie, s’est rendue à Rieden en compagnie de son ami et de son oncle. Sur place, devant les médias, ils ont lu une lettre ouverte aux autorités, pointant du doigt les manquements de l’enquête, relate Le Matin dimanche.
«Des têtes doivent tomber!»
«Selon nos informations, Daniel H. aurait dû se présenter dans un centre spécialisé à des fins de contrôle le 3 mars. Il serait arrivé en retard et on l’aurait renvoyé! Le lendemain, il tuait Lucie. Quelle conscience professionnelle! Des têtes doivent tomber», gronde la famille dans sa lettre.
Avant de poursuivre: «L’esprit de clocher des cantons s’est avéré frappant dans cette affaire. La collaboration et la communication entre les polices de Schwyz, Zurich et Argovie devraient maintenant être soumises à un audit, mais de grâce pas une instance cantonale. Faisons appel à des spécialistes de l’étranger!»
Ces dures critiques sont évidemment marquées du sceau de l’émotion. Elles sont toutefois reprises en écho par d’autres milieux. Dans un communiqué publié dimanche, l’organisation d’aide aux détenus «Reform 91» demande une réorganisation du service de probation argovien. Selon l’ATS, l’association a rédigé une résolution dans ce sens à l’intention du Grand Conseil de ce canton. Par ailleurs, tout comme la famille de Lucie, «Reform 91» s’insurge devant le report du placement de Daniel H. en cure de désintoxication parce qu’il avait une demi-heure de retard au rendez-vous.
Même les voix autorisées se montrent sceptiques. Dans la SonntagsZeitung, le professeur de droit bâlois Peter Aebersold estime qu’avant de lâcher Daniel H. dans la nature, les autorités argoviennes auraient dû soumettre son cas à une commission d’experts (procureurs, juges, représentants de l’aide aux victimes…).
Il est vrai que le cas du récidiviste est troublant. Depuis sa sortie, le 25 août 2008, il a eu 99 contacts personnels ou par téléphone avec son assistante de probation. A-t-elle fait preuve de toute la rigueur nécessaire, sachant que l’homme avait recommencé de consommer de la drogue, ce qui influence son comportement?
Samedi, dans la Basler Zeitung, le directeur du service de probation argovien défendait son institution, qui «a accompagné le jeune homme de manière professionnelle». Et de souligner que l’encadrement des personnes libérées est toujours un «exercice d’équilibriste».
Procédure juridique?
Une procédure juridique n’est toutefois pas impossible, à en croire Me Laurent Moreillon, doyen de la faculté de droit de Lausanne, cité par Le Matin dimanche: «Si, dans le maillon de la chaîne de personnes qui ont géré ce cas, certaines ont reçu un signal clair qu’on aurait dû garder l’accusé sous contrôle, et qu’on l’a laissé sortir en dépit du bon sens, l’Etat est attaquable. S’il y a une erreur manifeste, un avocat de la famille pourra attaquer le canton d’Argovie en responsabilité civile.»
Dimanche matin, quelque 85 285 personnes avaient manifesté leur soutien à la famille dans un groupe sur Facebook. La Suisse est émue, et la foule va se déplacer en nombre à l’enterrement de Lucie. Au point que la police fribourgeoise, qui s’attend à d’importantes perturbations de trafic, a décidé de boucler une partie du boulevard de Pérolles en raison de la diffusion phonique de la cérémonie à l’extérieur de l’église du Christ-Roi.