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Ces familles qui refusent les vaccins

La nouvelle loi se heurte aux parents hostiles à la prophylaxie. Qui sont-ils? La parole à deux mères

Elle ne veut pas être obligée de vacciner son fils. — © Eddy Mottaz
Elle ne veut pas être obligée de vacciner son fils. — © Eddy Mottaz

Guenhaël, 1 an à peine, est assis sur le bar de la cuisine. A ses côtés, sa maman, Rossana Walther-Scalzi, mixe des fruits frais et le surveille d’un œil. Scène familiale traditionnelle dans la Broye fribourgeoise. Sauf que la conversation entamée n’a rien d’anodin. Rossana Walther-Scalzi fait partie de ces parents qui n’ont pas fait vacciner leurs enfants. Le 22 septembre, elle refusera la loi sur les épidémies. Comme son amie Géraldine Bongard, mère de deux enfants de 3 et 1 an venue s’associer à la discussion ce jour-là, elle n’est membre d’aucune association, ne milite pas et est apolitique. Par contre, toutes deux ont une idée bien précise de leur rôle: celui d’éduquer leurs enfants et d’en prendre soin comme elles l’entendent.

La loi sur les épidémies vise à protéger la population contre les risques sanitaires. Elle permettra aux cantons et à la Confédération d’agir plus rapidement et de manière ciblée pour détecter, prévenir, surveiller et combattre les ­maladies transmissibles. La vaccination fait partie du dispositif, raison pour laquelle les anti-vaccins ont lancé un référendum, amenant le débat sur ce terrain plus émotionnel, où les craintes suppléent souvent les faits. La pierre d’achoppement est liée à la notion d’obligation.

Rossana Walther-Scalzi et Géraldine Bongard ont bien lu le projet. Et elles font une première remarque: pour ou contre la vaccination, l’important pour elles est d’avoir le libre choix, que chaque personne puisse s’informer et décider en toute connaissance de cause. Elles craignent ce qu’il y a entre les lignes et la direction trop «médicalisée» que prend la législation. «L’an dernier, la loi sur les épizooties allait dans le même sens. Maintenant, c’est au tour de la loi sur les épidémies. Jusqu’où ira-t-on?» s’interroge Géraldine Bongard. «En Suisse, ce sont les citoyens qui prennent les décisions les plus importantes pour le pays, poursuit Rossana Walther-Scalzi. Et on laisserait l’administration fédérale décider ce qui est bon pour notre propre santé? Je ne suis pas d’accord. Qu’elle se contente d’informer objectivement. Chaque parent doit pouvoir décider de la méthode qu’il préfère pour se soigner et surtout soigner son enfant.»

Géraldine Bongard avoue également sa méfiance envers le pouvoir du lobby pharmaceutique. «Il y a beaucoup trop d’argent en jeu pour croire en l’indépendance des autorités fédérales lorsqu’il s’agira d’appliquer la loi. Actuellement, les autorités cantonales gèrent tout ce qui concerne la vaccination et j’ai plus confiance en elles», dit-elle, rappelant le flop de l’expérience H1N1 et des quantités de doses de Tamiflu commandées par la Confédération avant d’être jetées à la poubelle. «A l’époque, j’étais enceinte, poursuit-elle. J’ai refusé d’être vaccinée et l’histoire m’a donné raison. Reste que j’ai l’impression qu’on utilise les pandémies de ce type pour créer une société de la peur, laquelle se rue ensuite sur les médicaments pour se protéger.»

Parce qu’elles n’ont pas fait vacciner leurs enfants contre les maladies infantiles, les deux mamans déplorent la suspicion dont elles font parfois l’objet. «Déjà maintenant, nous sommes souvent mal vus par les autres parents», raconte Rossana Walther-Scalzi. Sans parler des discussions enflammées qu’elles ont avec leur entourage mais aussi les médecins. Elles ont un pédiatre compréhensif, ouvert à l’homéopathie et aux médecines naturelles. «Nous dialoguons beaucoup. Mais j’ai une amie dont le pédiatre a refusé de suivre l’enfant s’il n’était pas vacciné. Et j’ai moi-même dû signer un papier stipulant que je prenais la responsabilité de ce qui pourrait arriver. C’est dire la pression exercée sur le monde médical et à quel point le libre arbitre est déjà compromis», explique Rossana Walther-Scalzi.

Les deux mères sont des adeptes des médecines naturelles. Et en cas de grippe, comme l’a connu Géraldine Bongard l’hiver dernier, c’est tous au lit! «Mais je ne suis pas entêtée et irresponsable, précise-t-elle. Lorsque ma fille souffrait d’une conjonctivite bactérienne, je l’ai soignée avec des gouttes antibiotiques». Et elle fera probablement le même choix selon la gravité de la situation. «Nous ne sommes pas des allumées, lance Rossana Walther-Scalzi. Nous agissons juste avec notre instinct de mère et lui faisons confiance!»

Les deux Broyardes sont également méfiantes envers le volet préventif de la loi et la mission accordée aux écoles d’informer sur les maladies infectieuses comme la rougeole mais également sexuellement transmissibles comme le VIH/sida. «L’école sert à instruire. Qu’elle instruise aussi sur les risques pour la santé, pourquoi pas? Mais je ne veux pas qu’elle serve à véhiculer des messages. J’estime que les choix liés à la santé et à la sexualité sont du ressort de l’éducation, et donc des parents», insiste Rossana Walther-Scalzi. Géraldine Bongard ne veut pas que l’école n’aborde la sexualité que sous l’angle des maladies. «La sexualité, c’est avant tout une relation. Et c’est à nous, parents, d’en parler à nos enfants», estime-t-elle.

«Nous ne sommes pas des allumées. Nous agissons avec notre instinct de mère et lui faisons confiance!»