Un jour après le coup de massue de la fermeture des restaurants durant les fêtes de fin d’année, voici la bonne nouvelle: ce samedi, l’autorité indépendante de régulation sanitaire Swissmedic a annoncé qu’elle avait donné le feu vert à un premier vaccin, celui fabriqué par les laboratoires Pfizer/BioNTech. Ceux-ci livreront encore en décembre 100 000 doses que les cantons devront se répartir.

Tout le monde se réjouit: «C’est un jalon dans le combat contre la pandémie de Covid-19», s’est exclamé le directeur de Swissmedic, Raimund Bruhin. «Un cadeau de Noël», a renchéri le secrétaire général de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé, Michael Jordi. «Grâce à ce produit, nous allons pouvoir commencer à protéger les personnes les plus vulnérables», s’est pour sa part félicitée la directrice de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Anne Lévy.

Une première mondiale

Parfois accusée récemment de vouloir temporiser, le temps d’analyser les effets du vaccin dans d’autres pays, la Suisse prouve le contraire. Swissmedic signe la première autorisation mondiale de ce vaccin dans le cadre d’une procédure ordinaire. Jusqu’ici, l’utilisation du vaccin n’avait été validée que pour des situations d’urgence dans une quinzaine de pays.

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Deux mois seulement après avoir reçu la demande de Pfizer, Swissmedic a statué sur la base des trois exigences de sécurité, d’efficacité et de qualité. Pour une protection vaccinale optimale, deux injections intramusculaires doivent être administrées à trois semaines d’intervalle. Or, l’efficacité a dépassé les 90%. Pour prendre sa décision, l’autorité de validation s’est aussi appuyée sur une analyse d’un conseil scientifique externe, le Human Medicines Expert Committee.

Un bémol toutefois: le vaccin n’est pas recommandé pour les enfants de moins de 16 ans, les données à ce sujet étant «insuffisantes». Quant aux effets secondaires, Swissmedic indique qu’elle les surveillera de près, se montrant rassurante: les effets les plus fréquemment documentés dans les études d’autorisation sont comparables à ceux d’un vaccin contre la grippe.

Concrètement, les premières doses seront livrées en Suisse dans les prochains jours, entreposées – à une température de moins 70°C dans des installations protégées – par la pharmacie de l’armée, puis distribuées aux cantons. Ces derniers pourront alors commencer à vacciner les personnes vulnérables de manière ciblée, soit les personnes âgées et celles souffrant d’une maladie préexistante.

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Au nom des cantons, Michael Jordi a tempéré l’euphorie ambiante. «Il faudra faire preuve de patience», a-t-il prévenu. D’abord parce qu’un canton moyen comme Lucerne ne recevra que 4000 doses et ensuite parce que les cantons, qui ont été surpris de l’arrivée si rapide d’un vaccin, doivent encore mettre en place la logistique. «Tous ont établi leur plan de vaccination, mais au début il y aura inévitablement quelques couacs.»

Après les 100 000 premières doses, Pfizer livrera chaque mois 250 000 doses à la Confédération. Celle-ci a signé à ce jour des contrats portant sur environ 15 millions de doses: 3 millions avec Pfizer, 7,5 millions avec Moderna et 5,3 millions avec AstraZeneca. Les vaccins des deux dernières entreprises sont toujours en procédure d’autorisation.

«Pas de passeport covid planifié»

La directrice de l’OFSP Anne Lévy l’a répété ce samedi: la vaccination, gratuite pour la population, ne sera pas obligatoire. Présent lors de la conférence de presse, le directeur de l’Office fédéral de la justice (OFJ), Martin Dumermuth, a précisé que toute velléité d’introduire un «passeport covid» privilégiant les personnes vaccinées nécessiterait une base légale pour tout ce qui concerne le secteur public. En revanche, les privés – comme un club sportif ou un restaurant – disposeraient d’une plus grande liberté d’action à cet égard. Et pour la compagnie d’aviation Swiss? Martin Dumermuth a laissé la question en suspens, assurant d’une chose: «Ni l’OFSP ni l’OFJ n’ont de plan allant dans ce sens d’un passeport covid. Le vaccin ne doit en aucun cas conduire à des inégalités de traitement.»

L’OFSP planifie désormais une large campagne d’information «transparente et claire» à l’intention de la population. Il en aura besoin, tant le scepticisme vis-à-vis de ces vaccins est grand au sein de la population, selon plusieurs sondages. A peine les autorités avaient achevé leur conférence de presse que des «rebelles du coronavirus» – pour la plupart aussi des anti-vaccins – ont envahi la place Fédérale en scandant «liberté, liberté», avant d’être évacués par la police.

Au moins six mois

Aussi réjouissante la nouvelle soit-elle, il ne faut pas en attendre monts et merveilles. Le vaccin n’est qu’un des instruments pour maîtriser la pandémie. Il faudra au moins six mois pour qu’il ait des effets sur la courbe des nouvelles infections, estime-t-on à l’OFSP. «Il n’y a pas de solution miracle», rappelle pour sa part le président des médecins romands, Philippe Eggimann. «Un excès de confiance collective nous a empêchés de prévenir la deuxième vague et risque de nous précipiter dans la troisième d’ici à la fin de l’année. Espérons que grâce au vaccin nous pourrons éviter une quatrième vague, du moins hospitalière.»