Dès samedi, et durant le week-end, des patrons ont donné des interviews et fait savoir aux médias alémaniques qu’ils risquaient de se délocaliser si l’initiative était acceptée. L’offensive la plus virulente est venue d’Alfred Schindler, un des dirigeants du fabricant homonyme d’ascenseurs. Et Peter Spuhler, patron de l’entreprise ferroviaire Stadler Rail, est apparu dans la SonntagsZeitung. Le conseiller national UDC était ainsi cité: «Si l’initiative est acceptée et que la quote-part fiscale continue d’augmenter, la question se poserait aussi pour moi.»
Faut-il en conclure que Peter Spuhler menace de quitter la Suisse? Il s’en est défendu dans le Tages-Anzeiger de mardi et assure avoir été cité de manière incomplète par l’hebdomadaire dominical zurichois. «La question d’une délocalisation ne se pose pas pour l’instant», promet-il en jugeant les menaces proférées par d’autres chefs d’entreprise «contre-productives».
C’est aussi l’avis des autres chefs d’entreprise qui combattent l’initiative socialiste à ses côtés. Son collègue Jean-François Rime qui, avec le président de l’USAM, Bruno Zuppiger, et l’entrepreneur alémanique Thomas Matter, fait partie du même comité économique, partage l’avis de Peter Spuhler: «Il est clair que des gens partiront si l’initiative est acceptée, mais ce n’est pas une bonne façon d’argumenter. L’électeur moyen n’est pas sensible à cela», explique-t-il.
Même son de cloche de la part de Guy Parmelin, conseiller national UDC et coprésident du comité politique opposé à l’initiative: «Quitter la Suisse pour aller où? Ce genre de menace n’est pas très judicieux, car la population ne se laisse pas influencer par de tels arguments», estime-t-il.
Le conseiller aux Etats socialiste Alain Berset se pose la même question. «Où iraient ces entrepreneurs? J’ai de la peine à comprendre un tel chantage», commente-t-il en critiquant la campagne «disproportionnée» du patronat pour faire capoter l’initiative du PS.
Que dit-on du côté d’economiesuisse? Son président, Gerold Bührer, juge «positif que des entrepreneurs propriétaires de leur société se manifestent sur un ton un peu plus marqué et moins diplomatique. L’initiative veut punir les profiteurs, mais, par l’impôt sur la fortune, elle pénalise les entrepreneurs», explique-t-il.
Il reconnaît que, si certains patrons se sont mobilisés de leur propre chef, d’autres y ont été incités par son organisation. «Mais nous nous sommes bien gardés de leur dicter ce qu’ils devaient dire», nuance-t-il.
De son côté, Jean-François Rime estime que «l’impôt minimal sur la fortune exigé par l’initiative peut poser de gros problèmes aux chefs d’entreprise. C’est l’impôt qui fait mal et il faut bien aller le pomper quelque part», fait remarquer le Fribourgeois. S’il peut bien imaginer que des personnes individuelles quittent la Suisse à cause de l’initiative socialiste, il voit mal des entreprises entières s’en aller sous d’autres cieux.
Pour Guy Parmelin, le réveil de ce week-end confirme que «les réactions sont tardives en Suisse alémanique, où l’on a toujours pensé que la majorité des cantons était acquise contre l’initiative (ndlr: celle-ci requiert la double majorité du peuple et des cantons)». C’est moins sûr aujourd’hui. «Le sondage interne d’economiesuisse semble confirmer que la cote de l’initiative reste élevée», note Alain Berset.
Les milieux économiques semblent désormais concentrer leurs forces sur les cantons dont ils pensent qu’ils peuvent encore se ranger du côté du non, par exemple Fribourg, Zurich ou Soleure.