Élections fédérales
Pour moins de 1500 voix, le libéral radical Pierre-Alain Grichting n’est pas parvenu à briser l’hégémonie historique des démocrates chrétiens valaisans au Conseil des États.

A Wiler, dans la vallée du Lötschental, le conservateur Beat Rieder écoute un disque de Bob Marley. Malgré une sérénité de façade, il dissimule mal sa nervosité. Il fustige «la haine du PDC», qui rassemble les militants des partis minoritaires. L’écart qui sépare les deux favoris démocrates-chrétiens du candidat libéral-radical est plus ténu qu’attendu. Vers 14h, l’avocat explose de joie. A Sion, le décompte des voix est terminé. La capitale n’a pas permis à Pierre-Alain Grichting de combler significativement son retard. Les résultats du bastion PLR de Martigny n’y changeront plus rien: le PDC conserve ses deux fauteuils de sénateurs en Valais.
Pour Jean-René Fournier, «la famille démocrate-chrétienne a su serrer les rangs». Élu pour la troisième fois aux États avec un peu plus de 50 000 votes, le «gouverneur» a apporté les voix du Valais romand à son colistier haut-valaisan, et réciproquement. Pour lui, cette élection montre que «le PDC se suffit toujours à lui-même lorsqu’il se mobilise». Dans les médias, le futur président de la chambre haute n’oublie pas de saluer «le nouvel homme fort du PLR», un candidat qui a acquis «un profil cantonal».
Face aux journalistes qui lui demandent s’il briguera une place au gouvernement valaisan dans deux ans, Pierre-Alain Grichting évite la question. Il concède tout juste qu’il ne disparaîtra pas de la scène politique. Pour la première campagne de sa vie, il a recueilli plus de 44 000 voix, légitimant un second tour qui n’avait plus été organisé depuis douze ans, et qui a parfois été taxé de «gaspillage d’argent public». Quatrième à l’issue du premier tour, l’entrepreneur a dépensé son temps et son argent sans compter, dans l’espoir de combler un retard de 8500 voix et de mettre fin à plus de 150 ans de monopole démocrate-chrétien aux États. Meilleur élu du Valais romand, il échoue à changer l’histoire pour 1481 voix. Les votes haut-valaisans ont décidé du résultat de l’élection.
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Le Haut-Valais a choisi ses sénateurs
En Valais, une loi tacite accorde un siège au Haut-Valais et l’autre au bas. Parce que personne n’a vraiment osé contester l’élection de Jean-René Fournier, la campagne aux États est devenue l’affaire de la partie alémanique du canton, bastion historique du PDC. Peut-être irrités par l’envoi d’observateurs libéraux-radicaux dans les bureaux de vote, ses électeurs se sont mobilisés plus que partout ailleurs, donnant plus de 7000 voix d’avance à Beat Rieder. Chef de groupe du PDC haut-valaisan au parlement, le conservateur s’est souvent profilé comme le défenseur de la minorité alémanique. Il entend désormais devenir l’avocat des cantons alpins à Berne. Favorables au PLR, les votes du Valais romand n’ont pas suffi à inverser la tendance, faute d’une vraie mobilisation. Pour Pierre-Alain Grichting, qui se présentait comme «le candidat de tous les Valaisans», mais qui n’est pas parvenu à faire voter massivement les francophones, «la faible participation du Bas-Valais a fait la différence». Dans le Chablais, seuls 35% des électeurs se sont prononcés.
Malgré une campagne vive et tendue, la participation a baissé de presque quinze points entre les deux tours, passant de 60 à 46%. Face à trois hommes de droite aux profils très similaires, l’alliance de gauche et l’UDC n’avaient pas donné de consigne de vote à leurs militants. Certains de leurs dirigeants recommandaient même l’abstention. Si les dinosaures socialistes Thomas Burgener et Stéphane Rossini ont appelé à voter pour le libéral-radical, le père fondateur de l’UDC valaisanne, Oskar Freysinger, a volontairement mal caché sa préférence pour les démocrates-chrétiens. Il reprochait au PLR d’avoir refusé une alliance sous forme de ticket commun. Alors que les voix de la gauche semblent avoir permis au libéral-radical de combler une partie de son retard du premier tour, celles de l’UDC se sont dispersées, hésitant entre la solidarité des minoritaires et l’alliance des conservateurs.
Editorial. Le sombre avenir du centre
Les presque 4000 votes blancs auraient suffi à inverser le résultat de l’élection. D’un rien, les électeurs valaisans ont préféré la continuité séculaire à l’homme qui voulait incarner l’alternative et le changement. Les conservateurs ont encore gagné: huit des dix parlementaires valaisans à Berne seront issus du PDC ou de l’UDC.