Les institutions politiques neuchâteloises, à la réputation sulfureuse avec la succession des «affaires» depuis près d’une décennie, savent aussi marquer l’actualité avec des décisions opportunes. Ce fut le cas ce mardi «de grâce» 3 novembre 2015. Dans une quasi-indifférence.

Le contexte était pourtant orageux. Quelques députés va-t-en-guerre PLR avaient constitué, au lendemain des élections fédérales que le parti avait perdues, une majorité de circonstance avec l’UDC pour refuser d’entrer en matière sur le budget 2016. De quoi paralyser complètement un canton déjà tétanisé, qui devait justement donner, ce mois de novembre, des impulsions décisives.

Acte 1: Une commission à huis clos, à propos des finances

Tout s’est donc joué mardi au Château de Neuchâtel. Le premier acte, dans le huis clos de la commission parlementaire des finances, à laquelle s’était joint le gouvernement in corpore. Le Conseil d’Etat a formulé des propositions tenues secrètes et suffisamment fortes pour ramener le PLR à la raison. Résultat probant: la procédure d’examen du budget a repris, la décision de non-entrée en matière retirée. Le débat budgétaire au Grand Conseil sera brûlant en décembre, mais tout indique que le canton aura un budget le 1er janvier 2016 et c’est essentiel.

Acte 2: Quasi-unanimité au plénum sur le RER

Deuxième acte, en public et en plénum, en début d’après-midi. Trois ans après le funeste scrutin populaire sur le projet de Transrun, rejeté par une courte majorité populaire (50,3%, 418 voix d’écart pour 67 000 votants), le parlement neuchâtelois, à la quasi-unanimité (109 voix, 0 opposition et 2 abstentions) a validé le plan de mobilité 2030 du ministre Laurent Favre, qui associe la route, le rail et la mobilité douce. Avec comme épine dorsale, la construction d’une voie de chemin de fer souterraine et directe entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, pour 900 millions. Le canton demande à la Confédération et à son fonds ferroviaire FAIF de financer le projet. La décision doit tomber en 2019. Neuchâtel démarrera alors les travaux dès 2020, pré-finançant le chantier. Il lui en coûtera 110 millions. Le peuple neuchâtelois devra valider le programme le 28 février. Il s’agira ensuite de convaincre à Berne.

Acte 3: Mesures urgentes pour la réforme hospitalière

Un troisième dossier brûlant et conflictuel a trouvé grâce mardi au Château: la réforme hospitalière. Ce n’était qu’une énième étape intermédiaire, en attendant, en été 2016, une décision finale: comment organiser à moyen terme l’offre hospitalière cantonale. HNE propose de centraliser les soins aigus à Neuchâtel et la réadaptation à La Chaux-de-Fonds. En attendant, dans l’urgence, il s’agissait de détricoter le plan «équilibré «laissé par l’ancienne ministre Gisèle Ory, de fermer deux petits hôpitaux de réadaptation, de geler la rénovation de l’hôpital de La Chaux-de-Fonds en attendant de savoir à quoi il sera affecté et de concentrer à Pourtalès à Neuchâtel les soins intensifs. Provisoirement.

Le parlement a soutenu les réformes urgentes, dont dépend notamment la sécurité sanitaire et l’utilisation rationnelle des ressources médicales. Les défenseurs d’un hôpital redondant sur deux sites n’ont certes pas abdiqué. Mais sur un autre ton que celui, larmoyant, des débats précédents. Ils veulent éviter la politique du fait accompli lorsqu’il s’agira de choisir le modèle pérenne. Au vote, 75 des 115 députés ont soutenu la stratégie patiemment expliquée par le ministre Laurent Kurth, contre 25 provenant du Haut et de pratiquement tous les partis.

Ainsi, en une grise journée d’arrière-automne, dans un climat en l’occurrence apaisé, sans éluder les soucis et les divergences, le parlement neuchâtelois a pris trois décisions fortes qui servent l’intérêt général et crédibilisent les institutions. Neuchâtel a mangé beaucoup (trop) de pain noir ces dernières années pour ne pas saluer ce mardi de grâce 3 novembre.