Fisc: première demande groupée non américaine
entraide
La requête émane des Pays-Bas et vise tous les contribuables néerlandais qui avaient un compte potentiellement non déclaré à UBS entre le 1er février 2013 et le 31 décembre 2014
Fisc: première demande groupée non américaine
Entraide Contribuables néerlandais visés
La transparence fiscale à grande échelle était jusqu’ici balbutiante, elle est désormais très concrète pour la Suisse. L’Administration fédérale des contributions (AFC) a reçu sa première demande d’entraide groupée sous l’égide de la loi révisée sur l’assistance administrative en matière fiscale (LAAF). Une requête émanant des Pays-Bas et communiquée aux personnes concernées, comme l’exige la loi, dans la Feuille fédérale du 22 septembre.
Berne avait déjà accédé à des demandes groupées formulées par les Etats-Unis dès 2009 dans le cadre de l’affaire UBS. Mais ces demandes étaient intervenues hors du cadre législatif normal, sous le régime de l’ancienne convention de double imposition Suisse-Etats-Unis. La démarche néerlandaise, qui date du 23 juillet, est bien la première demande groupée reçue par la Suisse sous le régime régulier, celui de la LAAF révisée, confirme l’AFC. Une révision entrée en vigueur le 1er août 2014 et qui offre expressément aux pays disposant d’un accord ad hoc avec la Suisse la possibilité de formuler des demandes groupées pour des états de fait postérieurs au 1er février 2013.
Requête à large spectre
Les nostalgiques du secret bancaire auront de quoi s’étrangler à la lecture des desiderata néerlandais, sur lesquels l’AFC est entrée en matière. Parce qu’ils ratissent à large spectre: le fisc hollandais demande des informations sur toutes les personnes domiciliées aux Pays-Bas qui ont disposé d’un compte à UBS Suisse entre le 1er février 2013 et le 31 décembre 2014, et qui n’ont pas fourni à la banque les preuves de conformité fiscale qui leur étaient demandées. Seules les informations sur les comptes qui n’ont jamais dépassé 1500 euros échapperont à la transmission, précise la communication de l’AFC.
Pour l’avocat fiscaliste Philippe Kenel, «il est surprenant que l’AFC soit entrée en matière sur ce qui ressemble énormément à une fishing expedition [une demande abusive selon la loi, parce que trop imprécise]. Les Hollandais veulent rattraper tous leurs contribuables non déclarés qui avaient un compte à UBS. Ils peuvent formuler une deuxième demande pour une autre banque, et ainsi de suite. A mon sens, ce n’est pas parce qu’on saucissonne les choses qu’il ne s’agit pas de fishing expeditions .»
Son confrère Carlo Lombardini, spécialiste du droit bancaire, va plus loin. Pour lui, l’exclusion des fishing expeditions du champ de l’entraide «ne servait qu’à faire croire à certains qu’il y avait une limite légale qu’il s’agissait de ne pas dépasser. En réalité, on n’a fait que restreindre toujours plus les critères à remplir pour adresser une demande à la Suisse. Et on a sciemment modifié la loi pour permettre ce genre de démarches.» Si Carlo Lombardini s’étonne que de telles demandes n’aient pas été formulées plus tôt, il se dit persuadé que la requête néerlandaise donnera des idées à d’autres Etats.
Avec un bémol, sourit Philippe Kenel: «Je pense que la France est plus hésitante à l’égard des demandes groupées. Pour des raisons politiques: elle craint de ramener de trop gros poissons dans ses filets…»