La transition sera directe. Le 30 avril, Pro Helvetia mettra fin à un programme de deux ans avec la Chine, une soixantaine de projets, expositions croisées, tournées d’artistes suisses… Le 1er mai, c’est l’Exposition universelle de Shanghai qui ouvrira ses portes, avec une double présence helvétique, pour six mois de gigantisme. Enfin, à l’automne, Pro Helvetia créera son antenne permanente à Shanghai, ont annoncé ses responsables mardi. Année chinoise pour les vendeurs de la marque «Suisse», et sa culture.

A l’Expo, le pays sera présent avec deux pavillons. L’espace national, piloté par Présence Suisse, présentera de grandes façades futuristes, aux lumières interactives alimentées par des cellules solaires; dedans, principale attraction, une ascension en télésiège, de la ville – thème de la manifestation – à la montagne. De leur côté, les villes de Bâle, Genève et Zurich se sont alliées pour se dévoiler dans une vaste salle de projection circulaire, située dans un quartier de l’Expo dévolu aux cités du monde.

Celui-ci a coûté 4,6 millions de francs, dont trois fournis par les villes. La bâtisse nationale est devisée à 24 millions: 16 viennent de la Confédération, dont neuf piochés par des économies dans certains budgets; et les sponsors apportent 5,6 millions. A noter que Présence Suisse, c’est une première, compte dégager quelques recettes avec la boutique du pavillon, qui proposera notamment les produits d’un sponsor horloger.

Qu’attendre de cette mobilisation d’un petit pays, dans une Expo qui mise sur 70 millions de visiteurs? Un gain d’image, bien sûr. A ce sujet, Johannes Matyassy, le directeur de Présence Suisse, parle d’un «coup déjà réussi». Il se trouve que les Suisses ont été parmi les premiers à fournir un visuel de leur pavillon. Même si l’esthétique du bâtiment, sur les premières images de synthèse, pouvait laisser perplexe – on eût dit un parking –, cette précipitation helvétique a payé: l’image de la maison suisse s’est très vite trouvée dans les promotions de l’Expo, au point qu’avant l’ouverture, «le pavillon est dans les 10 premiers cités lors de sondages», assure l’ambassadeur.

S’agissant de son usage durant l’Expo, Johannes Matyassy évoque un intérêt de la part de firmes suisses, autres que les sponsors, qui comptent utiliser cette plateforme VIP. Ces demandes-là sont toutefois ciblées: à Economiesuisse, les entreprises ne préparent pas leur branle-bas de combat pour l’Expo, elles cherchent à nouer d’elles-mêmes des relations d’affaires, indique-t-on.

L’image de la Suisse en Chine est excellente, disent toutes les études de réputation, mais elle repose sur les clichés: montagnes, verdure et chocolat. Difficile de défendre la vision d’un pays aux centres de recherche scientifique cotés, ou en pointe dans les greentech – c’est du moins ce que les VRP de la Suisse veulent vendre. Va-t-on vraiment inverser la tendance en proposant… un télésiège? «Détrompez-vous, rétorque Johannes Matyassy, avec la façade solaire, nous mêlons la tradition et l’innovation technologique. Dans le pavillon, les visiteurs auront des jumelles ouvrant sur des séquences thématiques, par exemple l’assainissement de l’eau ou la construction durable. Nous confirmons d’abord le cliché, pour aller plus loin.»

Pour faire passer le message, rien ne vaut le vecteur culturel: un Montreux Jazz Café proposera des concerts sino-helvétiques, un programme soutenu par Pro Helvetia. Cette dernière offrira aussi des concerts dans l’enceinte des trois villes.

Et justement, la Fondation pour la culture compte poursuivre après la parenthèse de l’Expo. Le 15 octobre, deux semaines avant la clôture de la manifestation, elle ouvrira un bureau de liaison. Le cinquième, après Le Caire, Le Cap, New Dehli et Varsovie. Les trois employés locaux, dont la responsable venue du British Council, seront chargés d’accueillir les artistes suisses et approcher des institutions chinoises. Le budget, de 500 000 francs, servira pour les deux tiers à des projets. Pius Knüsel, directeur de Pro Helvetia, justifie la démarche en arguant que «la Chine n’est pas seulement le plus grand chantier du monde, mais aussi son plus grand atelier d’artistes». Et du côté suisse, la demande des créateurs serait en croissance.

L’antenne culturelle s’installera dans les locaux du consulat pour la science, Swissnex, ouvert en 2008. Ce qui réduit les coûts, et permet d’imaginer des opérations communes entre science et arts, ce qui se fait par exemple à San Francisco. Histoire, aussi, de planter, cette fois durablement, le drapeau à Shanghai.

Sur la base de son visuel, «le pavillon est dans les 10 premiers cités lors de sondages»