Devant l'ampleur du défi qui reste à relever, les dirigeants de la fondation ne s'en laissent pas compter. Il faut dire qu'ils en ont vu d'autres. En moins de dix ans, leur organisation s'est hissée parmi les cinq plus importants acteurs mondiaux dans le domaine. Lorsqu'ils lancèrent l'idée de former des étrangers au déminage humanitaire, début 1997, Henri Leu, un avocat genevois très actif dans les questions sociales et humanitaires, et Michel Diot, un ancien logisticien du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) – qui a depuis lors quitté la FSD –, essuyèrent des réactions négatives à la limite de l'insulte.
Aujourd'hui, résultat d'une sacrée dose d'esprit visionnaire, la FSD est une référence à la réputation sans faille, active aux quatre coins du monde. En 2001, elle a décroché un contrat exclusif avec le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies en vertu duquel elle s'engage à fournir dans un délai de 72 heures au PAM des capacités de déminage à n'importe quel endroit de la planète. Derniers exemples en date: l'Irak, au printemps 2003, dans la foulée de la chute du régime de Saddam Hussein, et le Soudan, où ses équipes déminent les axes routiers afin de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire par voie terrestre.
En se tournant vers des contrats commerciaux, la FSD veut gagner en flexibilité financière et donc en efficacité opérationnelle pour ce qui demeure la philosophie de la fondation: l'humanitaire. «Ces fonds d'origine commerciale auront l'avantage de pouvoir être alloués à des projets que les gouvernements rechignent à financer ou pour des missions exploratoires en vue de développer des projets d'intervention en faveur des communautés affectées, explique Henri Leu. Ils auront en outre l'avantage d'être immédiatement disponibles, alors qu'il s'écoule des mois, pour ne pas dire plus, entre le moment où des Etats nous promettent des fonds et le moment où nous pouvons effectivement nous en servir. Cela dit, la fondation continuera à dépendre pour l'essentiel de contributions volontaires.»
Pour autant, la fondation ne s'en remet pas aux seules vertus – au demeurant très aléatoires – de ces sources de financement commercial pour poursuivre sa montée en puissance. Dans le même temps, elle amasse méticuleusement une cagnotte sous forme d'assurance captive. Objectif: pouvoir s'auto-assurer en cas de sinistre majeur, mais aussi disposer d'un fonds dans lequel puiser pour préfinancer ses activités. Elle ne se lance pas non plus à l'aveugle dans l'univers impitoyable du déminage commercial – «pas plus impitoyable que celui de l'humanitaire», relativise d'ailleurs Henri Leu. Elle s'est adjoint les services d'un spécialiste du secteur privé, tout comme elle s'est étoffée au fil des ans en recrutant des collaborateurs expérimentés – anciens du CICR notamment pour les aspects administratifs, anciens militaires spécialistes du déminage pour la partie opérationnelle. Avec pour soucis d'«éviter la fuite en avant et de maîtriser la croissance d'une organisation qui s'est très vite développée» pour répondre à une nécessité hélas toujours d'actualité: éradiquer les mines et réduire l'impact humanitaire et socio-économique des restes de guerre dans le monde.