Après l’échec mortifiant de la vignette, Doris Leuthard repart au combat. A l’occasion de la votation populaire du 9 février, elle défend le programme de financement et d’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF), un plan d’action pluriannuel qui permettra d’investir des milliards de francs dans l’entretien et l’extension du réseau ferroviaire. «Ne touchez pas à nos trains», a-t-elle lancé lundi en donnant le coup d’envoi de la campagne.

L’objet du scrutin, c’est la création du Fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF), qui sera ancré dans la Constitution fédérale, où il prendra le relais du Fonds pour les transports publics (FTP), né en 1998 dans le but de financer le Lötschberg, le Gothard, Rail 2000 et les mesures de protection contre le bruit.

5 milliards par an

Le FIF reprendra à son compte les recettes du FTP, à savoir les deux tiers du produit de la redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP), 9% de l’impôt sur les carburants, 0,1% de TVA ainsi que des contributions prélevées sur le budget de la Confédération. Cela représente environ 4 milliards de francs par an, dont 2,3 milliards de fonds fédéraux (en augmentation de 100 millions). A cela s’ajoute environ 1 milliard qui sera couvert par les cantons (200 millions en plus des 300 millions déjà versés aujourd’hui), la TVA (360 millions) et les pendulaires (200 millions). L’augmentation du prix des sillons et, par effet de ricochet, des titres de transport se fait en deux étapes (2012 et 2016) et allège globalement la charge du FIF de 300 millions.

Pour la TVA, le scénario est le suivant: la hausse de 0,4 point prévue pour assainir l’assurance invalidité est limitée à fin 2017. Dès 2018, il est prévu d’en maintenir 0,1 point pour le FIF. En clair, le taux normal redescendra alors de 8% à 7,7% et non à 7,6%, comme c’était le cas jusqu’en 2010. Quant aux pendulaires, ils seront solli­cités par le plafonnement à 3000 francs de la déduction fiscale pour frais de transport professionnels dans le cadre de l’impôt fédéral direct (voir complément).

La moitié en Suisse romande

Avec ces 5 milliards de recettes annuelles, on va financer de nouveaux projets et le maintien du réseau existant. La liste des nouvelles réalisations a été classée selon deux degrés d’urgence. La première tranche doit être réalisée d’ici à 2025. Elle équivaut à un investissement global de 6,4 milliards, dont près de la moitié pour la Suisse occidentale, se réjouit le conseiller d’Etat valaisan Jacques Melly, président de la Conférence des directeurs des transports de Suisse occidentale (CTSO).

Figurent sur la liste: la gare de Genève (790 millions, somme qui ne suffira toutefois pas à financer la variante souterraine), l’extension des capacités entre Genève et Lausanne (330 millions), l’amélioration de la ligne Lausanne-Berne (300 millions), le doublement de la ligne du pied du Jura à Gléresse (390 millions), l’extension des capacités autour de Berne (620 millions) et l’amélioration de la ligne Berne-Thoune (630 millions). Il faut ajouter à cela le milliard d’investissement prévu pour la gare de Lausanne, que le Conseil fédéral propose de remonter dans l’ordre des priorités et de placer dans le programme précédent nommé ZEB. Le doublement du tunnel du Lötschberg ne figure dans le programme qu’à titre d’étude.

Le gouvernement avait initialement proposé de limiter à 3,5 milliards la première tranche de réalisation. La gare de Genève et la ligne Lausanne-Berne n’en faisaient pas partie. C’est le parlement qui a gonflé l’enveloppe à 6 milliards. Sur les ondes de La Première, l’ancien directeur des CFF Benedikt Weibel a mis en garde contre le risque de surinvestissement. Il rappelle qu’il faut à chaque fois compter 4% de coûts subséquents pour l’entretien de ce que l’on construit.

«Il n’y a pas de surinvestissement, mais une accélération des investissements. Le Conseil fédéral a toujours dit qu’il serait d’accord d’augmenter les montants disponibles si l’on trouvait une solution pour le financement. C’est ce qui a été fait avec le recours à la TVA», réplique Doris Leuthard, en précisant que la seconde tranche équivaudra à quelque 8 milliards. Pour la ministre des Transports, cet effort est justifié si l’on veut faire face à l’ac­croissement de la mobilité. «La demande en trafic voyageurs augmentera de 60% d’ici à 2030», pronostique-t-elle.

Elle souligne que le FIF servira aussi à financer l’entretien, où des retards ont été accumulés ces dernières années: meulage des rails, bourrage du lit de ballast, renouvellement des voies, ponts, tunnels, postes d’enclenchement, lignes de contact, entretien des talus et déneigement sont autant d’opérations dont le financement sera mieux assuré avec la création de ce nouveau fonds.

Seule l’UDC dit non

Le programme FAIF et la création d’un fonds ferroviaire constitutionnel sont soutenus par tous les partis politiques, sauf l’UDC. Son comité central rejette le FIF parce qu’il refuse de maintenir 0,1% de TVA au-delà de 2017 et parce qu’il conteste le plafonnement de la déduction pour frais de transport à 3000 francs, qu’il qualifie de «pillage des automobilistes». Toutefois, il semble qu’aucun comité d’opposition ne soit en train de se constituer. L’Union suisse des arts et métiers (USAM) soutient le FIF, tout comme le TCS, qui avait mené campagne contre le relèvement de la vignette. «Et la Conférence des directeurs cantonaux des travaux publics soutient à l’unanimité ce projet», indique son président, le conseiller d’Etat zougois Matthias Michel.