Débat européen
Le laboratoire d’idées veut sortir de l’impasse du débat européen paralysé par l’opposition entre partisans de «l’adhésion» et ceux de la «voie solitaire»

Exit la voie bilatérale, bonjour le concept «d’association avec l’UE»! C’est ce que propose Johan Rochel, vice-président de Foraus, le laboratoire d’idées en matière de politique extérieure. Selon lui, le débat européen en Suisse est prisonnier depuis 25 ans de l’opposition entre les partisans de l’adhésion à l’UE et ceux de la voie solitaire. Johan Rochel propose donc de ranger au placard ces mots qui tuent la discussion et d’imposer la notion plus constructive «d’association».
Certes, le Conseil fédéral espère encore «rénover» sa voie bilatérale avec l’UE. Mais cette dernière en a déjà fait le deuil dans les conclusions du Conseil des ministres de 2014. Dès lors, une réflexion s’engage sur l’ère «post-bilatérales» qui commence. Le PS a déjà lancé l’idée d’un «Espace économique européen 2.0». C’est au tour de Foraus de brandir un nouveau concept.
L’UE comprend désormais 27 états membres et 450 millions d’habitants après le Brexit. «Ceux-ci doivent être appréhendés comme autant de partenaires divers et non pas comme des ennemis potentiels ou simplement des consommateurs des exportations suisses», souligne Johan Rochel. Actuellement, la relation Suisse-UE est marquée par de la «passivité et une souveraineté factice», comme le montre la participation à l’espace Schengen. Depuis son entrée en 2008, la Suisse a joué la caisse enregistreuse, modifiant son droit à 174 reprises pour s’adapter au droit européen.
Redevenir un partenaire fiable
Il est donc temps de passer à une «association active et flexible». Active en se concentrant sur la défense des intérêts concrets du pays et en réglant la question institutionnelle pour redevenir un partenaire fiable et prévisible de l’UE. Flexible en tirant le meilleur des différentes sphères d’intégration du projet européen, de l’espace Schengen de coopération judiciaire et policière au programme de recherche Horizon 2020 en passant par le traité de Dublin sur l’asile.
Pas sûr que ce nouveau concept séduise les acteurs du débat. Les premières réactions sont plutôt sceptiques. «L’accord d’association avec l’UE va plus loin que le régime bilatéral actuel de la Suisse et couvre des domaines comme la politique extérieure et la sécurité», a fait remarquer le socialiste Peter Hug lors d’un panel de réflexion à Berne. D’aucuns, dont le professeur en linguistique de l’Université de Neuchâtel Thierry Herman, se sont demandés s’il ne serait pas préférable de parler de «partenariat avec l’UE». Quant à l’UDC, elle ne s’embarrasse pas de telles nuances sémantiques. Pour elle, une personnalité comme Johan Rochel sera toujours un «euro-turbo»!
De son côté, le professeur de l’Université de Fribourg Gilbert Casasus n’y croit pas non plus. «L’association est le concept même avec lequel l’UE ferme définitivement la porte de l’adhésion à un pays tiers», avertit-il. «Johan Rochel est parti d’une excellente intention, mais a débouché sur une fausse bonne idée».