Tous se défendent pourtant de faire du chantage aux tergiversations de l'autorité neuchâteloise, qui tarde à donner son préavis sur le projet de déménagement des coupoles du centre de Marin à sa périphérie, 900 mètres plus à l'est, en bordure d'autoroute (Le Temps du 1er février et du 26 juillet).
Reprenons: début 2000, s'inquiétant de la diminution du nombre de ses visiteurs, passés de 250 000 à 180 000 par an entre 1996 et 2000, le Papiliorama décide de s'agrandir et de renouveler sa conception. Sa flore et sa faune tropicales sont à l'étroit sous deux cloches de 38 et 40 mètres de diamètre, dont une, le Nocturama, inverse les cycles du jour et de la nuit.
Le Papiliorama opte d'abord pour un troisième dôme, à ériger sur un terrain voisin appartenant à Migros. Mais Migros n'est pas vendeuse. Des propositions d'implantation affluent. Attachée à Marin qui lui fait des courbettes, l'institution se précipite début 2001 sur un terrain à vendre au Petit Montmirail, à la limite des communes de Marin et de Thielle-Wavre. Elle y développe son projet de Papiliorama & Tropidomes sur trois hectares, avec trois hémisphères, des salles d'exposition et un grand parking. Coût: 12 millions.
Euphorique, la Fondation signe une promesse d'achat du terrain appartenant à un ancien maraîcher, avec échéance au 31 août. Elle sous-estime un problème majeur: la zone agricole convoitée «n'est pas prête à accueillir un tel objet», selon l'expression du chef de l'aménagement cantonal du territoire, Bernard Wœffray. Il faut «dézoner».
Malgré la complexité de l'opération, rien n'évolue durant l'hiver et le printemps. En juin, la Fondation écrit au Conseil d'Etat pour quérir son préavis. L'exécutif répond «à côté», confirmant la volonté exprimée par Pierre Hirschy de «garder le Papiliorama dans le canton». Sous-entendu: pas forcément à Marin.
«Notre objectif est d'implanter le Papiliorama au meilleur endroit», corrobore Bernard Wœffray. Pour la Fondation, pas de doute, le «meilleur endroit» est le Petit Montmirail, «bien placé, toujours à Marin, avec un financement presque bouclé», argumente Pierre Dubois.
L'Etat n'en est pas convaincu. Pour des raisons politiques et techniques. «Nous devons monter un dossier qui résiste à la procédure», précise l'aménagiste, insinuant qu'il faut se prémunir contre les éventuelles oppositions. Politiquement, Neuchâtel a fait du Site de Cernier, niché dans le Val-de-Ruz, son «pôle nature». Un centre d'activités regroupant tout ce qui touche à la terre, à la nature et à la culture. Les Jardins extraordinaires et musicaux, les projets de Mycorama et de Parc de la domestication en attestent. Une stratégie chère à Bernard Soguel, ancien patron du Site devenu conseiller d'Etat.
Afin de donner une chance à la concertation, autorités cantonales et responsables du Papiliorama évitent de jeter de l'huile sur le feu. La Fondation a demandé au propriétaire du Petit Montmirail de «patienter encore quelques mois, jusqu'à la fin de l'année», précise Pierre Dubois.
Dans ce climat de confusion, qui retarde la date d'ouverture progressive du nouveau parc, prévue en 2004, l'offre faite par Chiètres interpelle. Même s'il n'y a pas de concurrence entre promotions économiques neuchâteloise et fribourgeoise, selon Jean-Claude Fatton, une telle proposition montre que la Broye voisine, à l'est du lac, est prête à tirer parti des atermoiements. Surtout que Chiètres (Kerzers en allemand), bourg de 3800 habitants, ne manque pas d'atouts pour draguer le Papiliorama, dont 80% des visiteurs sont alémaniques. Connue pour ses asperges, la commune fribourgeoise est au nœud des axes routiers et ferroviaires du Mittelland. Caspar Bijleveld prévient: «Notre institution doit d'abord prendre en compte son intérêt et s'implanter sur un site national, qui lui assure sa survie à long terme.» A ses yeux, Marin fait l'affaire, Cernier peut-être moins. Neuchâtel joue dangereusement avec son icône touristique.