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Alors que le Conseil fédéral doit approuver les primes 2021 ce mardi, c’est l’une des grandes questions que se posera chaque assuré dès le 1er octobre prochain: faut-il changer de franchise? Selon une enquête menée auprès d’experts, nombreux sont celles et ceux qui comprennent mal le système complexe de l’assurance maladie, de ses primes et de ses franchises. Explications.

1. Qu’est-ce qu’une franchise?

La franchise est la part des coûts que l’assuré – en plus de ses primes – doit prendre en charge intégralement avant que son assurance ne règle ses factures en déduisant une quote-part généralement de 10%. Son montant minimal se chiffre à 300 francs pour les adultes et à 0 franc pour les enfants.

Dès 1987, le législateur a introduit des franchises à option, reprises dans la nouvelle loi sur l’assurance maladie (LAMal) en 1996. En plus de la franchise ordinaire, il propose des niveaux à 500, 1000, 1500, 2000 et 2500 francs.

2. Quel rabais pour les franchises à option?

Le but de la franchise est d’inciter l’assuré à assumer sa responsabilité individuelle. Moins il «consomme» de soins et plus le rabais sur ses primes est important. Jusqu’en 2000, celui-ci était si important que les franchises à option étaient devenues intéressantes aussi pour les patients ayant beaucoup recours aux prestations. Il a donc fallu corriger le tir. Aujourd’hui, le rabais est limité à 70% de la différence entre la franchise à option et la franchise ordinaire. Pour les franchises de 500 à 2500 francs, il oscille entre 150 et 1500 francs.

En 2018: Pierre-Yves Maillard: «Le système des franchises est à bout de souffle»

3. Quelle franchise choisir?

La franchise la plus élevée se révèle optimale lorsque les dépenses de santé sont inférieures à 1500, voire 2000 francs dans certains cas. Au-dessus de cette fourchette, mieux vaut opter pour la plus basse, celle de 300 francs.

Selon les statistiques de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les assurés privilégient de plus en plus deux des six franchises à disposition: en 2019, 44% d’entre eux, soit notamment les personnes âgées, les malades chroniques, voire les fumeurs ont choisi la plus basse. Mais la plus élevée, celle de 2500 francs, effectue, quant à elle, une progression spectaculaire. Elle séduit désormais 30% des assurés, contre 17% en 2013. Il s’agit là surtout des personnes actives disposant d’un bon niveau de formation qui sont prêtes à signer pour des modèles alternatifs d’assurance, s’engageant par exemple à passer par un médecin généraliste avant de consulter un spécialiste.

De manière générale, les Suissesses et les Suisses évaluent correctement leur état de santé et optent pour une franchise appropriée. Mais des assurés relativement jeunes et en bonne santé se montrent trop prudents en optant pour des franchises trop basses, se traduisant par des primes trop élevées pour eux. L’assurance obligatoire peut leur en être reconnaissante. Si tous les assurés choisissaient des franchises optimales, il faudrait relever les primes de 10%!

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4. Le système des franchises est-il solidaire?

La question est très idéologique. La droite, qui chérit la responsabilité individuelle, l’affirme. La gauche, qui en appelle à la solidarité du système, le conteste.

Dans un rapport qu’il a publié en 2017 suite à un postulat de Barbara Schmid-Federer (PDC/ZH), le Conseil fédéral affirme que les prestations par personne à la charge des assureurs baissent en cas de franchise élevée. On constate un report des coûts de l’assureur sur les assurés prêts à débourser 1500, voire 2500 francs en cas de pépin de santé. Ceux-ci changent de comportement, soit en se rendant moins souvent chez le médecin, soit en se tournant vers des prestations moins onéreuses. Avec des franchises élevées, les coûts dus à des affections «plutôt bénignes» se réduisent de «30 à 40%».

Ce à quoi la gauche rétorque que les Suisses ne se précipitent pas chez le médecin à chaque bobo. Selon une statistique internationale effectuée par l’OCDE, ils consultent en moyenne quatre fois par année, soit beaucoup moins qu’en France (6,4 fois) et en Allemagne (9,9 fois).

5. Concrètement, quel potentiel d’économies recèlerait une hausse de la franchise ordinaire de 300 à 500 francs?

Tout récemment, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a publié un rapport du bureau Infras et de la Haute Ecole de santé du canton de Zurich. Ceux-ci ont effectué une synthèse de nombreuses études publiées en Suisse et à l’étranger pour déterminer le potentiel d’efficience du système de santé suisse. Les auteurs estiment qu’une hausse de la franchise ordinaire de 300 à 500 francs entraînerait des économies de près de 2 milliards de francs. Cela sans que cette mesure suscite des comportements inappropriés chez les assurés en les incitant à renoncer à des traitements médicaux nécessaires, précisent-ils.

Politiquement pourtant, cette proposition n’a aucune chance de recueillir une majorité au parlement. Pas plus tard qu’en mars 2019, le Conseil national a rejeté une motion de sa Commission de santé allant dans ce sens à une majorité écrasante, soit par 162 voix contre 21.

A ce sujet: Assurance maladie: la franchise de base reste fixée à 300 francs

6. Comment le dossier va-t-il évoluer ces prochaines années?

Alors qu’en 2018, les deux Chambres étaient bien décidées à approuver une hausse de la franchise ordinaire de 50 francs pour la faire passer à 350 francs et l’adapter ainsi à la hausse des coûts de la santé, elles ont gelé le dossier à la veille des élections fédérales sous la menace d’un référendum brandi par la gauche. Tout le monde est d’accord sur un point. Une telle hausse ne peut pas être envisagée si elle comporte le risque d’un renoncement aux soins par une partie des assurés. A ce sujet, les études ne parviennent pas toutes aux mêmes conclusions. Un rapport de l’Observatoire de la santé (Obsan) de 2016 indique un taux d’assurés ayant grimpé de 10 à 22% en six ans. Mais le rapport susmentionné du Conseil fédéral est plus rassurant, ne parlant que d’un taux de «3% de personnes renonçant à des prestations médicales nécessaires». A partir de l’évolution de ce chiffre se jouera la faisabilité politique ou non de cette mesure.