Franz Perrez: «Nous avons peur que cette COP se termine par un échec»
Négociations
AbonnéLe chef de la délégation suisse estimait ce lundi, au premier jour de la deuxième semaine de négociations sur le climat à la COP27 de Charm el-Cheikh, que les perspectives étaient mauvaises. Attendue mercredi, Simonetta Sommaruga aura la partie difficile pour ce qui pourrait être son ultime sommet international

Le Temps: Quel premier bilan tirez-vous de la première semaine de négociations?
Franz Perrez: Elle a mal commencé, puisque la proposition suisse de discuter d’actions concrètes afin de maintenir la hausse des températures en dessous de 1,5 degré a été rejetée par les nouveaux pays industrialisés (dont font notamment partie l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud). Tout comme celle d’assurer que l’intégralité des flux financiers devienne compatible avec les Accords de Paris. Notre marge de manœuvre est donc limitée pour discuter de ces deux thématiques cruciales. Alors que la première semaine est censée régler les aspects techniques des négociations avant de passer aux discussions politiques, il reste encore énormément de ces éléments à traiter en deuxième semaine. Une véritable congestion. Cela pourrait être une stratégie de la présidence égyptienne afin d’emmener les négociations dans leur direction.
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Quelle serait celle-ci?
Que les discussions ne s’attardent pas trop sur la «mitigation» (la définition d’objectifs destinés à atteindre ses objectifs climatiques), mais plutôt sur les «pertes et dommages» dans la perspective que les donateurs traditionnels donnent davantage d’argent. Nous pensons toutefois que tous les pays fortunés devraient contribuer. Et qu’un fonds ne résoudra pas tous les problèmes. En créer un nouveau, pourquoi pas? Mais des institutions onusiennes existent déjà pour s’occuper des catastrophes écologiques. Nous estimons qu’il faut les renforcer plutôt que de les dupliquer. Quant à l’argent, doit-il être géré par la Convention sur le changement climatique? Ou par les Nations unies? Existe-t-il déjà un fonds qui pourrait être réalloué? Nous savons que les besoins vont augmenter. Mais pour y répondre, il faut réformer intelligemment le système. Pas juste demander de l’argent.
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Simonetta Sommaruga (qui arrive mercredi à Charm el-Cheikh) s’apprête donc à atterrir en terrain difficile.
Oui. Nous avons peur que cette COP se termine par un échec. Que rien ne soit décidé ne serait même pas la pire option. Ce que nous craignons le plus serait un nouveau programme d’objectifs vide de sens qui serait célébré comme un succès. Nous avons des mandats des COP précédentes qui doivent absolument avancer. Comment atteindre le pic des émissions? Comment décarboner l’économie mondiale? Si nous ne parvenons pas à discuter de résolutions concrètes sur ces enjeux, nous perdrons l’objectif du 1,5 degré. Ça ne va pas. Du point de vue du financement, c’est la même chose. A Copenhague (2009), l’objectif des 100 milliards est tombé du ciel, aujourd’hui les Etats ne l’ont pas encore atteint. Il faut absolument décider de résolutions qui ont de l’impact. Nous nous réjouissons de l’arrivée de Madame Sommaruga, avec qui la délégation a toujours beaucoup aimé travailler. Elle va atterrir en terrain difficile, mais c’est une raison de plus pour nous engager.
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