Surnommée par le Blick la «terreur des paysans», Franziska Herren est à l’origine de l’initiative «Pour une eau potable propre et une alimentation saine». Sa proposition citoyenne exige que les exploitations agricoles renoncent à l’utilisation de pesticides ou d’antibiotiques à titre préventif et produisent leur propre fourrage, si elles veulent continuer à recevoir chaque année près de 3 milliards de francs de subventions fédérales. Professeure de fitness dans une petite commune bernoise, cette quinquagénaire obstinée se défend cependant d’avoir une dent contre le monde agricole. Bien au contraire.

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Le Temps: Pourquoi cette initiative?

Franziska Herren: Nous voulons simplement soumettre les milliards d’impôts investis dans l’agriculture à des conditions plus strictes. Le système actuel pollue l’environnement, nos sources d’eau potable et nuit à la santé. Nous investissons des sommes colossales dans une production industrielle catastrophique pour les hommes, les animaux et la nature, ce n’est plus tolérable. Je ne veux pas nuire aux paysans, mais plutôt m’assurer qu’ils se portent mieux: ils sont les premiers touchés par les effets destructeurs des pesticides.

Quel est votre rapport personnel avec l’agriculture?

J’ai été élevée dans la proximité de l’écologie. Ma mère vendait des légumes bios. En 2011, j’ai eu une révélation en voyant une vache laitière pleurer, comprenant que son veau lui avait été arraché. Je me suis mise à faire des recherches et j’ai compris que je n’étais pas aussi bien informée que je le pensais, que l’agriculture polluait beaucoup et que, même en étant végétarienne et en achetant bio, mon argent subventionnait cette production nocive. C’est là que j’ai décidé d’agir. Saviez-vous que certaines viandes estampillées «Suisse» sont produites avec des aliments qui viennent du Brésil? C’est inadmissible. Lors de la récolte des signatures, j’ai pu me rendre compte que je n’étais de loin pas la seule à partager ce point de vue.

Les paysans ne semblent pas convaincus par vos propositions…

Les agriculteurs sont également très préoccupés par le système en vigueur. Ils n’en sont d’ailleurs pas les principaux bénéficiaires, c’est la production de masse qui l’est. Nous devons changer notre manière de penser. Il faut réduire notre production animale aux surfaces agricoles disponibles. Cela permettra de limiter les quantités colossales d’ammoniac qui polluent nos terres et d’arrêter l’importation d’aliments, comme le soja, qui détruisent l’environnement à l’étranger. On entend souvent dire que les bêtes sont mieux traitées en Suisse qu’à l’étranger, mais c’est loin d’être toujours le cas. Il n’est plus possible de subventionner à coups de milliards une pratique aussi nocive.