C'est un combat de longue haleine, et la facture sera salée. Après neuf ans de recherche et d'évaluation, le canton de Fribourg met en ligne (http://geo.fr.ch) le cadastre de ses sites pollués. Le résultat est édifiant. Le territoire cantonal recense 1118 sites dont la pollution est établie ou très probable. Ce sont, pour la plupart, d'anciennes décharges, ainsi que des zones industrielles ou artisanales (aires d'exploitation). Pas moins de 315 d'entre eux nécessitent une investigation qui déterminera s'il y a lieu de procéder à un assainissement.

50000 sites en Suisse

Le plus spectaculaire exemple est bien sûr l'ancienne décharge de La Pila, à Hauterive. Truffée de condensateurs provenant d'une usine aujourd'hui désaffectée, elle émet du PCB qui, via les eaux de ruissellement, a contaminé la Sarine. L'Etat a déjà engagé un million de francs pour des analyses du sol. Il va prochainement lancer les premières mesures d'assainissement d'urgence, qui engendreront un coût d'au moins 10 millions.

Par comparaison, la Confédération estime qu'il existe 50000 sites pollués au plan suisse - dont 4000 potentiellement dangereux pour l'homme et l'environnement -, pour un coût global d'assainissement de 5 milliards. Elle devrait prendre en charge le 40% de cette somme, les cantons devant régler le reste de l'ardoise. Chacun d'entre eux est tenu d'établir un répertoire des sites pollués accessible au public. Fribourg est le onzième canton à le publier.

«Nous espérons que La Pila est le cas le plus grave du canton de Fribourg», relève Georges Godel, directeur de l'Aménagement, de l'environnement et des constructions. Dépositaire de ce lourd dossier, conséquence de l'insouciance qui prévalait en matière écologique jusque dans les années 70, le ministre veut éviter le catastrophisme. «Chaque cas est particulier et demande des réponses adaptées. Il faut remettre de l'ordre avec méthode et discernement.»

Respectant cet état d'esprit, le Service cantonal de l'environnement a établi son cadastre en collaboration avec les détenteurs des sites pollués, qui ont été informés des données concernant leurs parcelles, et invités à se prononcer avant l'inscription dans le document final. Pour la petite histoire, Georges Godel, qui était agriculteur avant d'endosser son costume de conseiller d'Etat, est lui-même propriétaire d'un terrain qui devra être assaini.

Le cadastre établi, le débat va se porter immanquablement sur le financement. La loi fédérale sur la protection de l'environnement reprend le principe du pollueur-payeur: celui qui est à l'origine des mesures nécessaires assume les frais d'investigation, de surveillance et d'assainissement d'un site pollué. L'Etat devant assumer les coûts des investigations qui démontreront qu'une zone inscrite est en fait propre ou en cas de défaillance (détenteurs ou pollueurs inconnus ou insolvables). Il passera évidemment aussi à la caisse lorsqu'il est lui-même «perturbateur» par comportement (exploitant) ou par situation (propriétaire de la parcelle).

Pour faire face aux dépenses qui s'annoncent, Georges Godel veut créer un fonds cantonal de gestion des déchets. Il souhaite l'alimenter notamment par le biais d'une taxe qui toucherait les usagers des dix décharges actuelles du canton. L'une d'entre elles traite les résidus «bioactifs», les neuf autres les matériaux inertes (en moyenne 150000 m3 par an). Comme les anciennes décharges étaient communales pour la plupart, il est clair que les communes devront aussi participer au financement de l'assainissement des sites pollués. Selon quelle clé de répartition? Voilà une question qui augure de belles passes d'armes au Grand Conseil.