Fribourg, le canton milliardaire qui se cherche
Elections cantonales
Une fortune de plus d’un milliard, pas de dettes et un bénéfice de 126 millions en 2015. En renouvelant leurs autorités le 6 novembre, les Fribourgeois espèrent cependant mieux du futur gouvernement: une vision d’avenir

Comment dépenser 1,1 milliard de francs suisses? La question peut prêter à sourire. Or, elle agite Fribourg à la veille des élections cantonales. Heureux canton, qui détient une telle somme depuis une décennie mais n’a pas encore consenti à l’investir.
Or, il y a urgence. Fribourg connaît une croissance démographique supérieure à la moyenne suisse depuis plus de quinze ans. Les infrastructures doivent être adaptées en conséquence. Deux projets sont acquis: la construction de piscines et d’une nouvelle patinoire. S’y ajoute depuis cette année électorale le lancement d’études pour la réalisation de plusieurs routes de contournement. Et on parle également de couvrir l’autoroute A12 à Givisiez, aux portes de la capitale cantonale.
L’automne électoral est aussi source d’inspiration pour l’ensemble des partis. Formation, innovation, promotion économique, création d’emplois à haute valeur ajoutée, achat de terrains stratégiques: dans le fonds, tout est bon!
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Projet no 1: créer des emplois
Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Fribourg, René Jenny estime que le canton devrait commencer par appliquer une politique foncière active afin de pouvoir proposer aux entreprises des sites d’implantation idéalement situés. La législature qui s’achève a été marquée par les départs de Zumwald Transports ou encore du constructeur de machines de déneigement et de nettoyage des routes Boschung. Ils ont choisi de s’implanter dans le canton de Vaud faute de perspectives à Fribourg.
«Des terrains, il y en a. Mais ils ne sont pas toujours disponibles au bon moment. Soit parce que le propriétaire ne veut pas vendre, ou encore parce qu’ils se situent dans des zones encore mal desservies. Fribourg doit anticiper en devenant propriétaire de certains sites afin de pouvoir les mettre immédiatement à la disposition d’entreprises qui en ont besoin», estime René Jenny, qui salue néanmoins la récente réaction du conseiller d’Etat PLR Maurice Ropraz, lequel a effectué un inventaire des terrains disponibles.
«Nous avons aussi relancé l’idée de procéder à des acquisitions dans le cadre d’un partenariat public-privé», annonce le président de la CCIF. Et le Conseil d’Etat vient également de montrer l’exemple en décidant en septembre dernier de racheter le site que l’usine d’emballage Tetra Pak va quitter à Romont.
Un habitant sur quatre travaille dans un autre canton
Investir dans une politique foncière active? Personne ne s’y oppose. Car l’enjeu est de taille. La position géographique de Fribourg, entre l’Arc lémanique et la capitale fédérale, attire une population beaucoup plus mobile. Choix ou contrainte? Toujours est-il que la création d’emplois ne suit pas la courbe démographique. Chaque matin, un habitant sur quatre se rend dans un autre canton pour y travailler. Un record suisse qui n’a rien d’enviable.
Même si Fribourg enregistre une hausse des recettes fiscales, cette catégorie d’habitants créée de la valeur ailleurs. Et il faut répondre à ses besoins en prestations et infrastructures. Pour que le canton ne se transforme pas en cité-dortoir, il est temps de se réveiller. «Il y a d’énormes investissements à consentir. Mais ont-ils été planifiés comme ils le devraient?» se demande René Jenny.
Et si Fribourg se mettait à rêver?
Une patinoire, des piscines, des routes: autant de projets qui ne font pas rêver les habitants d’un canton milliardaire. Ils ne réclament pas du champagne tous les matins au petit-déjeuner. Mais la gestion «à la campagnarde» des deniers publics a le don d’agacer. Et si le canton devenait attractif pour son dynamisme et pas seulement pour ses logements moins onéreux que dans l’arc lémanique, son futur bassin olympique et une patinoire à la gloire de Gottéron?
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Les autorités cantonales essuient régulièrement le reproche de manquer de vision à long terme. «Sauf lorsqu’il s’agit de dépenser pour du bitume». Secrétaire général de la Fédération des associations du personnel des services publics du canton de Fribourg, Bernard Fragnière est quelque peu amer. Craignant des lendemains qui déchantent, le Conseil d’Etat a serré la vis durant toute la législature. Un programme d’économies a affecté le personnel qui a accepté une ponction sur les salaires, appelée contribution de solidarité, et un gel des indexations pour les années 2013 à 2016.
Améliorer les conditions de travail dans les services publics
Or, après deux exercices presque équilibrés, les comptes 2015 se sont soldés par un excédent de 126 millions de francs suisses. «En acceptant des mesures d’économies en 2013, le personnel a démontré qu’il était conscient de devoir fournir un effort pour lisser les écarts conjoncturels et qu’il n’entendait pas se préoccuper uniquement de son statut», explique Bernard Fragnière. Mal lui en a pris? Le syndicaliste ne va pas jusque-là.
Mais il estime qu’il est temps que la bonne santé financière du canton serve aussi à améliorer les conditions de travail du personnel et la qualité des prestations pour la population. Il pense à la prise en charge hospitalière pour éviter que les patients se tournent vers Berne ou Lausanne, ou encore au renforcement des mesures d’appui à l’école. «Malheureusement, on n’en parle guère durant cette campagne», constate-t-il.
Bloc de gauche contre bloc de droite
Le Conseil d’Etat fribourgeois est actuellement composé de trois PDC (Georges Godel, Jean-Pierre Siggen et Beat Vonlanthen), un PLR (Maurice Ropraz), deux socialistes (Erwin Jutzet et Anne-Claude Demierre) et une Verte (Marie Garnier). Elu au Conseil des Etats, Beat Vonlanthen (PDC) ne se représente pas. De même qu’Erwin Jutzet (PS), âgé de 65 ans.
Tout l’enjeu de l’élection du 6 novembre réside dans cette question: le futur gouvernement sera-t-il à droite ou très à droite? PLR, PDC et UDC ont conclu une entente. Objectif: obtenir cinq sièges sur sept, soit un supplémentaire, ce qui permettrait à l’UDC d’accéder au gouvernement. Son candidat, Stéphane Peiry, vise la Verte Marie Garnier. A moins que l’Entente se retourne contre elle et que ce soit le nouveau venu PDC Olivier Curty, peu connu, qui en fasse les frais.
A gauche, le conseiller national Jean-François Steiert devrait logiquement remplacer Erwin Jutzet. Son affiche est cependant très féminine. L’ancienne conseillère nationale socialiste Ursula Schneider Schüttel rêve également d’accéder à l’exécutif cantonal. De même que la chrétienne-sociale Bernadette Mäder Brülhart. Se présentent également la vert’libérale Irene Bernhard et deux représentants du Parti des artistes: Claudio Rugo et Jessica Goodwin.