Harcèlement
L’enquête administrative lancée à la suite d’une vague d’accusations sur les réseaux sociaux amène l’Etat de Fribourg à écarter deux enseignants auteurs de comportements répréhensibles. Bien que mis hors de cause, le directeur a démissionné

Le mouvement #Balancetonprof n'en finit pas de secouer Fribourg et en particulier son Ecole professionnelle en arts appliqués (Eikon), dans la tourmente après une vague de dénonciations publiées sur les réseaux sociaux. Au terme d'une enquête administrative, la Direction de l’économie et de l’emploi (DEE) a annoncé ce vendredi après-midi se séparer de deux de ses enseignants. Certains comportements, «assimilés parfois à du harcèlement sexuel», sont «constitutifs de fautes professionnelles graves» aux yeux de l'Etat. De son côté, bien que mis hors de cause par cette même enquête, le directeur de l'établissement, affecté par cette histoire, a préféré donner sa démission.
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Le début de l'affaire remonte à quelques mois. L'étincelle est venue de la forte indignation suscitée par le cas d'une élève du collège de Gambach à qui son maître principal avait reproché de ne pas porter de soutien-gorge. Le collectif de la Grève des femmes de Fribourg a alors lancé un compte Instagram avec le hashtag #Balancetonprof. C'est un déferlement. Plus de 400 témoignages sont recueillis, dont une trentaine concernant la seule Eikon. Certaines accusations sont graves. Elles font l'effet d'une bombe. Par mesure de prévention, en février dernier, le DEE suspend trois enseignants visés par les dénonciations, ainsi que le directeur, au vu de ses fonctions dirigeantes.
Cellule psychologique et enquête
Dans la foulée, une cellule de soutien psychologique est mise sur pied, tant pour les apprentis que pour les enseignants. Une enquête administrative est également ouverte, confiée à une avocate indépendante. Une cinquantaine d'auditions sont effectuées. Ces entretiens permettent de blanchir le troisième enseignant et le directeur. Quant aux deux professeurs aux comportements répréhensibles, le canton a ouvert une procédure de résiliation des rapports de service à leur encontre. «Une décision de licenciement ne pourra éventuellement intervenir qu’à l’issue de cette procédure durant laquelle les enseignants concernés resteront suspendus», précise le conseiller d'Etat Olivier Curty, chargé de la DEE.
«Je ressens d’abord un soulagement pour les personnes qui ont été mises hors de cause, réagit également l'élu du Centre. La satisfaction ensuite de voir que toute la lumière a été faite sur cette affaire. Nous avons pris les mesures qui s’imposaient conformément à la politique de tolérance zéro que nous appliquons vis-à-vis de tous comportements répréhensibles. Maintenant, cette école va pouvoir continuer son travail de formation. Ce n’est pas ici sa réputation d’excellence qui est mise en cause.»
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Du côté du Syndicat des services publics (SSP), Virginie Burri salue la réaction de la DEE qui «a pris au sérieux les témoignages en diligentant rapidement une enquête administrative». La secrétaire syndicale regrette néanmoins que les procédures n'aient visiblement pas été assez claires pour permettre aux victimes d'être entendues plus tôt et qu'il ait fallu passer par les réseaux sociaux pour faire éclater la vérité. «Nous avons mandaté le Service de la formation professionnelle pour organiser dans les prochains mois une campagne de sensibilisation au sein de ses écoles, assure aujourd'hui Olivier Curty. Et nous continuerons à appliquer notre politique de tolérance zéro.»
Procédures pénales
Mais l'affaire ne va peut-être pas en rester là. Le 16 juin, le journal La Liberté révélait que des procédures pénales avaient été ouvertes, respectivement le 1er avril et le 10 mai, par le Ministère public contre les deux enseignants, prévenus d'actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes. Les faits seraient survenus à partir de 2017. Un signalement avait été effectué en 2019. La direction de l'Eikon avait réagi en sollicitant la police et un médiateur. Mais il n'y avait à l'époque pas eu de suites judiciaires faute de plaintes. Contacté, le Ministère public fribourgeois confirme que l'instruction suit son cours.