Au mois de mars dernier, des fuites dans la presse mentionnent des problèmes au sein de la préfecture de la Sarine. Le procureur général fribourgeois Fabien Gasser soupçonne alors la ministre d’avoir violé le secret de fonction en donnant à certains médias un rapport d’audit confidentiel et demande la levée de son immunité. Après un préavis positif donné par une commission spéciale du Grand Conseil, à dix voix contre une, ce dernier doit se prononcer mardi prochain.
Le sentiment de n'avoir commis aucune erreur
La cheffe de la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts évite donc la confrontation de son parlement, elle dit s’en aller «avec le sentiment du devoir accompli», après un peu plus de six ans au gouvernement. «Quant à la procédure, elle continue», souligne Marie Garnier, qui n’admet pas d’erreurs mais parle de perceptions différentes. «J’ai la certitude de n’avoir commis aucun tort et je n’ai rien à me reprocher», affirme-t-elle.
La ministre tire le bilan de ses années au Conseil d’Etat avant d’aborder sa situation personnelle. «J’ai pu faire avancer des projets de développement et d’innovation dans notre canton en pleine croissance, et je me suis engagée avec succès pour la valorisation des produits du terroir fribourgeois. Je porterai cinq projets de loi au Grand Conseil pour terminer mon travail avant mon départ le 30 avril prochain. Je vois grandir les fruits sur les arbres et d’autres pourront les mettre sur le marché, je n’en revendique pas la paternité».
«Ma joie s’en est allée»
Elle prend alors sa respiration, les yeux brillants. «L’affaire de la préfecture de la Sarine a été un révélateur et m’a affectée personnellement. La charge qu’on a fait peser sur moi et sur ma famille était insoutenable. Je regrette profondément qu’une conseillère d’Etat doive dépenser autant d’énergie pour de très petits jeux politiques, au détriment de l’intérêt public.» A ce moment, sa voix se casse et devant les dizaines de journalistes, elle craque: «J’ai beaucoup donné, mais à force de donner, ma joie s’en est allée, comme dirait le philosophe Nietzsche et comme dit ma maman.»
Marie Garnier mentionne encore le peu de soutien qu’elle a reçu du monde politique. Attendait-elle autre chose de ses collègues du gouvernement? Plus de soutiens du monde socialiste? Deux «questions jokers», auxquelles elle ne répondra pas. Le préjudice causé par sa démission aux politiciennes est abordé. «Cela dessert la cause des femmes en politique de renoncer ainsi?» demande un journaliste. «Vous ne savez pas tout ce qui a été entrepris contre moi depuis six ans; l’exposition n’est pas du tout la même pour une femme verte que pour un homme d’un parti majoritaire», répond-elle.
Focus sur l'élection complémentaire
Le focus est désormais mis sur l’élection complémentaire qui sera menée pour attribuer le siège vacant laissé par la ministre, avec le risque que la socialiste Anne-Claude Demierre demeure la seule femme du Conseil d’Etat. Le parti cantonal des Verts revendiquera sa succession et présentera un candidat à l’élection complémentaire, garantit son président, Bruno Marmier. «Nous défendrons le troisième siège de la gauche plurielle et je ne pense pas que le Parti socialiste le réclamera.» En 2016, l’alliance de droite PDC-PLR avait réussi à faire élire ses quatre ministres au premier tour, barrant la route à l’UDC, qui profitera de cette élection complémentaire pour revenir à la charge.