Hôtel des patients: le CHUV s’inspire de la Scandinavie

Hôpital Première en Suisse, le CHUV se dote d’un hôtel des patients destiné aux malades et à leurs proches

Il devrait permettre de réaliser des économies tout en désengorgeant les services de soins aigus

Le modèle n’est pas nouveau, mais il s’agit d’une première en Suisse. Dès l’automne 2016, les patients du CHUV, à Lausanne, pourront séjourner dans un hôtel trois étoiles situé à proximité du centre hospitalier universitaire, au nord de l’Hôpital Nestlé, tout en bénéficiant de soins médicaux pris en charge par l’assurance de base.

Précurseurs, les pays scandinaves ont instauré ce concept d’hôtel des patients il y a vingt-cinq ans déjà, et une cinquantaine de structures identiques y ont depuis vu le jour. Une tendance de fond principalement mue par la volonté de désengorger les gros centres hospitaliers grâce à une meilleure orientation des patients, et ce en libérant des lits en soins aigus pour les cas les plus lourds, tout en offrant un environnement confortable aux personnes ayant retrouvé leur autonomie mais devant encore subir des examens médicaux.

A Lausanne, ce service s’adressera principalement à des patients en orthopédie, en pédiatrie, ou encore en obstétrique, se montrant suffisamment indépendants pour se rendre sur les différents sites hospitaliers du CHUV ou dans la zone de traitement qui sera installée au sein même de l’hôtel, aucun soin n’étant dispensé en chambre. L’établissement pourra en outre accueillir les proches qui le désirent ou des personnes se déplaçant de loin pour recevoir des soins en ambulatoire. Il offrira trois types de chambres: standard, supérieure et familiale. La première catégorie sera prise en charge par l’assurance obligatoire des soins, les deux autres par les assurances complémentaires.

L’expérience des Nordiques montre que 10 à 20% des patients hospitalisés, tous services confondus, remplissent les critères d’une admission dans ce type d’infrastructure et y passent près de la moitié de leur séjour. Un calcul sur lequel s’est basé le CHUV au moment de concevoir son projet d’hôtel des patients, qui comptera au total 115 chambres. L’hôpital universitaire vaudois devrait ainsi gagner 60 lits en soins aigus et réduire quelque peu les périodes d’intense saturation qui grèvent régulièrement son fonctionnement. «Nous faisons tout ce qui est possible pour soulager les infrastructures de soins aigus, mais la situation actuelle est telle que chaque hiver des patients doivent être réorientés vers des cliniques. La mise en route de ce projet devrait permettre de voir l’avenir un peu plus sereinement», avance Pierre-Yves Maillard, chef du Département de la santé et de l’action sociale de l’Etat de Vaud, présent lors de la pose de la première pierre de l’édifice lundi.

Bon élève, et pour se rendre compte in situ de la pertinence d’un tel projet en Suisse, le CHUV s’est déplacé, il y a quatre ans déjà, en délégation au Patientenhaus de Mannheim, établissement allemand largement inspiré du modèle scandinave. Depuis l’introduction des forfaits par cas en 2003, plusieurs hôtels pour patients ont fait leur apparition en Allemagne. L’occasion de constater que ce type d’établissements permet, entre autres, de substantielles économies dans un système de financement qui tend à accentuer la concurrence entre les hôpitaux. Car un lit en soins aigus représente une solution fort coûteuse (environ 1000 francs par jour au CHUV) pour des patients qui ne resteraient à l’hôpital que pour quelques heures de soins. Le tarif de base de l’hôtel sera lui arrêté à environ 300 francs par jour en chambre standard comprenant une heure de soins, soit l’équivalent des montants pratiqués dans les EMS suisses.

Autre point positif, l’hôtel des patients devrait engendrer, comme cela a été démontré dans les pays où le concept a déjà été mis en place, une meilleure répartition des tâches pour le personnel soignant, notamment en déléguant l’aspect purement «serviciel» à du personnel hôtelier. Un avantage non négligeable lorsque l’on sait que la Suisse subit depuis plusieurs années une pénurie importante de personnel hospitalier. Mais encore aura-t-il fallu convaincre ledit personnel du bien-fondé du projet: «L’accueil a été globalement très favorable, mais il est vrai qu’il y a eu quelques réticences initiales, notamment par rapport à la crainte que les services concernés ne soient plus en lien direct avec le patient, confie Patrick Genoud, directeur adjoint des soins au CHUV. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé en amont avec le personnel soignant et les médecins cadres.»

La mise en place de l’hôtel des patients du CHUV répond également à une envie de diversifier l’offre en soins non intensifs. L’exemple scandinave a d’ailleurs démontré de manière très claire qu’une meilleure qualité de service n’est pas forcément dépendante d’une privatisation des prestations de santé. De quoi envisager une concurrence directe avec les cliniques privées? «Cela ne nous inquiète pas, affirme Pierre-Antoine Hildbrand, secrétaire général de l’Association vaudoise des cliniques privées. L’offre reste celle d’un trois-étoiles et vise essentiellement à une meilleure répartition des patients. Il s’agit d’une évolution très compréhensible.»

Le concept permettra une meilleure répartition des tâches entre personnel soignant et hôtelier