Le WWF Suisse, le champion institutionnel

Structure: fondation
Date de création: 1961
Budget: 45 millions de francs en 2018 pour le WWF Suisse
Nombre de membres: 270 000 sympathisants

Dans l’écosystème des mouvements écologistes suisses, le Fonds mondial pour la nature – son nom officiel en français – fait figure de vieux roi de la savane. Créée par un petit groupe de Britanniques et de Suisses, l’ONG au célèbre panda demeure incontournable.

Ses statistiques sont dignes d’une multinationale: présence dans une centaine de pays, plus de 6000 collaborateurs dans le monde (dont 200 pour WWF Suisse), un réseau de 16 000 volontaires, un fichier de cinq millions d’adhérents et donateurs et un budget annuel international de plus de 400 millions d’euros.

Sa puissance de frappe permet à la fondation de lancer des actions un peu partout sur le globe. En Suisse, le fonds s’engage pour la sauvegarde de la diversité alpine, milite contre l’autorisation de la chasse du loup et du lynx, et replante des arbres fruitiers à haute tige dans les Grisons pour favoriser le retour d’oiseaux nicheurs.

La voie institutionnelle

Son pari a toujours été de jouer la carte des institutions en travaillant étroitement avec les gouvernements et en entretenant de bonnes relations avec des entreprises privées et des politiques – le WWF ne rechigne pas au lobbying. La conseillère nationale verte vaudoise Adèle Thorens Goumaz, ancienne responsable de formation au WWF Suisse, offre d’ailleurs un accès au parlement à un représentant de l’ONG, ainsi qu’à un représentant de Greenpeace.

L’émergence de nouveaux mouvements comme Extinction Rebellion met-il un coup de vieux au panda? «Tant que leurs actions demeurent non violentes, nous estimons qu’elles sont importantes pour attirer l’attention sur la crise climatique, explique-t-on au WWF Suisse. Mais nous ne prônons pas la désobéissance civile.»

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Greenpeace Suisse, le pionnier des confrontations non violentes

Structure: fondation
Date de création: 1984
Budget: 23 millions de francs en 2018 pour Greenpeace Suisse
Nombre de membres: 145 000 donateurs.

Bien avant l’apparition de mouvements comme Extinction Rebellion ou BreakFree, Greenpeace a médiatisé des problèmes écologiques majeurs en Suisse et dans le monde grâce à des actions spectaculaires, toujours sous forme pacifique. L’ONG alterne confrontation et coopération.

Lister les actions les plus emblématiques de Greenpeace suisse serait un exercice fastidieux tant elles sont nombreuses. Pour dénoncer «l’inondation plastique», l’ONG a ainsi déployé en avril un dragon géant fabriqué à partir de vieilles bouteilles en plastique devant le siège de Nestlé à Vevey. Un de ses combats actuels vise à stopper l’importation de viande et de fourrage, destructrice pour l’environnement.

«Impliquez-vous»

Disposant d’une équipe de 70 collaborateurs et faisant régulièrement appel à ses nombreux bénévoles, Greenpeace Suisse entretient la mobilisation depuis quatre décennies. Son site web martèle inlassablement son slogan «Impliquez-vous»: actions sur le terrain, pétitions ou encore appels à voter pour des candidats s’engageant en faveur de l’environnement, la fondation utilise aussi des moyens plus classiques pour soutenir une diversité de projets.

Dans l’euphorie de la vague verte, Greenpeace suisse veut garder la tête froide et ne pas crier victoire trop vite. «Le dénouement de ces élections fédérales est réjouissant, mais le travail ne fait que commencer, précise la fondation dans un communiqué. Ce qui compte dorénavant, ce sont les mesures concrètes. Le résultat des urnes est un mandat clair pour le nouveau parlement: la crise climatique est le plus grand enjeu pour notre pays, et les mesures pour la surmonter doivent être au centre du travail politique dans les années à venir.»

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3 Swiss Youth for Climate, les défenseurs d’une méthode légaliste

Structure: association
Date de création: 2015
Budget: 20 000 francs
Nombre de membres: 240

Ces jeunes croient en la force du dialogue avec les institutions en place. Sur les plans national et international, l’objectif reste le même: aboutir à la mise en œuvre d’une politique climatique ambitieuse et respectueuse de l’Accord de Paris.

Décembre 2015: la COP21 (Conférence de Paris sur les changements climatiques) cristallise tous les espoirs. Après l’échec de la conférence de Copenhague six ans plus tôt, le monde associatif, conscient des défis à relever, bouillonne et veut peser davantage dans les décisions politiques. L’association Swiss Youth for Climate est créée dans cette optique. Bien avant de battre le pavé durant les manifestations, ces étudiants déterminés empruntent la voie diplomatique.

«Adopte un parlementaire»

«Une partie de notre travail se fait en coulisse, précise Pierre-Antoine Legrand, membre du comité directeur de l’association. Les politiciens suisses sont nos principaux interlocuteurs. Depuis un an, l’action «Adopte un parlementaire» nous permet d’être en contact avec des élus de différents partis. L’occasion de suivre leurs déclarations et de vérifier si elles sont conformes à leurs votes sur les questions environnementales.»

La Swiss Youth for Climate garde ses distances vis-à-vis des actions de désobéissance civile apparues fin 2018, souhaitant conserver sa crédibilité. «Ces actions nous paraissent essentielles cependant, car nous restons convaincus que l’urgence climatique doit être combattue sur tous les fronts», ajoute celui qui occupe des fonctions de conseiller en énergie à Genève.

Si ses modes d’action diffèrent de ces nouveaux mouvements, certaines critiques sont similaires. Comme BreakFree Suisse, Martina Rapp, la présidente actuelle de Swiss Youth for Climate, pointe le rôle de la place financière helvétique: «A elle seule, l’empreinte carbone résultant des investissements de Credit Suisse dans l’industrie des énergies fossiles est plus de deux fois supérieure aux émissions de l’ensemble de la population.»

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Climate Strike, l'étincelle de la grève

Structure: mouvement social
Date de création: décembre 2018
Budget: non communiqué
Nombre de membres: non communiqué

Les membres suisses du mouvement international pour la grève du climat, essentiellement des jeunes, s’organisent en groupes de travail régionaux et nationaux. Certains, découragés par la voie institutionnelle, commencent à rejoindre des actions de désobéissance civile. En toile de fond, une grève nationale.

«La grève du climat a propulsé l’environnement au centre de l’agenda politique. Des milliers de personnes se sont engagées politiquement. Des jeunes se sont formés à vitesse grand V à travers des comités locaux, des congrès nationaux, des grèves ou des manifestations, le tout de manière démocratique, décentralisée et bénévole», analyse Robin Augsburger, membre de la Grève pour le climat dans le canton de Neuchâtel, quand il repense à l’évolution du mouvement ces derniers mois.

L’école remise en question

Comme lui, ils sont nombreux à avoir participé aux FridaysForFuture, lancés par la désormais célèbre Greta Thunberg. «Si nous n’avons pas d’avenir, alors nos efforts scolaires deviennent inutiles», écrit Mattéo Ducrest, membre du mouvement dans le canton de Fribourg, pour expliquer son choix de faire la grève le 27 septembre.

Des similitudes existent avec Extinction Rebellion: les deux mouvements ont une organisation horizontale, sans leader, avec des branches locales actives dans plusieurs villes. Impossible de savoir combien sont leurs militants et sympathisants. Pour Gary Domeniconi, actif à la Grève pour le climat Vaud, «la légitimité d’un mouvement ne se mesure pas au nombre de membres, mais à l’importance de son message. Notre mouvement se coordonne via des groupes de travail sur WhatsApp, créés pour faire circuler l’information et organiser des actions.»

Mi-octobre, Climate Strike a annoncé son intention d’organiser une grève nationale le 15 mai 2020. Un défi de taille pour ces néo-activistes. Comme l’ont fait les féministes pour la grève du 14 juin, ils comptent sur le soutien des syndicats pour mobiliser le plus de monde. Avec un objectif: que la Suisse soit l’un des premiers pays à atteindre un bilan carbone net nul d’ici à 2030.

Pour compléter votre lecture:  Une grève nationale pour le climat le 15 mai 2020


Association suisse pour la protection du climat, pour plus de glaciers et moins de pétrole

Structure: association
Date de création: août 2018
Budget: 380 000 francs
Nombre de membres: 2237

Lancée le 30 avril 2019, l’initiative sur les glaciers a récolté plus de 126 000 signatures en l’espace de cinq mois. Derrière ce succès, l’Association suisse pour la protection du climat. Son ambition: que la Suisse parvienne à zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Politiques, scientifiques ou encore sportifs, ils sont nombreux à avoir soutenu publiquement cette initiative populaire. WWF Suisse, Swiss Youth for Climate et Greenpeace Suisse ont également diffusé l’initiative pour accroître sa visibilité. Bien avant le délai butoir de 18 mois, le plafond des 100 000 signatures est donc atteint.

Fonte spectaculaire des glaciers suisses

Car le temps presse, et les effets du dérèglement climatique sur les montagnes suisses sont de plus en plus visibles: le 15 octobre, une étude très médiatisée de l’Académie suisse des sciences naturelles annonçait que le volume des glaciers suisses avait diminué de 10% en cinq ans. Aux côtés, entre autres, de Greenpeace Suisse, l’association avait déjà enterré symboliquement fin septembre le glacier du Pizol pour alerter l’opinion publique sur ce sujet.

L’initiative des glaciers a répertorié des actions parfois radicales à mener dès à présent pour atteindre l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2050 – comme la fin du recours aux énergies fossiles, et la remise en cause de notre modèle de société. L’association observera de près la reprise des discussions à la Chambre basse sur la réforme de la loi CO2. Pour elle, mettre en place une économie respectueuse du climat ne relève pas de l’utopie: «Il existe des techniques de remplacement, rappelle l’association sur son site. Le plus gros obstacle est l’inertie des habitudes et des pratiques.»

Portrait de l'initiateur: Marcel Hänggi, une plume verte dans l’arène politique

En savoir plus sur l'étude:  Les glaciers suisses ont diminué de 10% en cinq ans


Extinction Rebellion, verte de rage

Structure: mouvement social
Date de création: décembre 2018
Budget: inexistant
Nombre de membres: non communiqué

Malgré son apparition récente, ce mouvement international n’a rien d’amateur. Depuis décembre 2018, des «rebelles» suisses prennent à bras-le-corps l’urgence écologique en prônant la désobéissance civile.

La politique des petits pas, très peu pour eux. Devant l’urgence écologique, Extinction Rebellion veut agir, et vite, quitte à susciter l’incompréhension. Apparu au Royaume-Uni en octobre 2018 avant de se propager dans le monde, ce mouvement horizontal et sans leader multiplie les blocages et autres actions symboliques. En Suisse, 14 branches sont implantées dans les principales villes du pays.

Le sens de la com

Les images de la Limmat teinte en vert fluo à Zurich début septembre ont fait le tour du monde. Lors de leur «tour de Suisse», les militants ont aussi bloqué le pont Bessières durant une journée à Lausanne. De son petit nom «XR», l’acronyme d’Extinction Rebellion, le mouvement s’appuie sur la désobéissance civile, telle que théorisée par le philosophe américain Henry David Thoreau en 1849. Avec cette image de «rebelles», comme se nomment entre eux les militants, Extinction Rebellion se démarque nettement des acteurs écologistes traditionnels.

Leurs trois revendications: la proclamation d’un état d’urgence écologique au niveau national, la réduction à zéro des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 et la mise en place d’assemblées citoyennes au niveau local, cantonal, national et même international. Pour échanger, les activistes rejoignent la Base, un forum de discussion sur internet. Ils ont aussi accès à des formations à la désobéissance civile organisées plusieurs fois par mois.

XR Suisse annonce pouvoir mobiliser entre 500 et 700 militants. Encourant contrôles d’identité, arrestations, voire des poursuites pénales, ces militants adoptent une stratégie d’escalade et se disent prêts à se «sacrifier».

Les risques judiciaires en Suisse:  La désobéissance civile face à la loi


BreakFree Suisse, frondeurs anti-système

Structure: mouvement social
Date de création:
mai 2016
Budget:
inexistant
Nombre de membres:
360

Dans leur ligne de mire, les institutions «climaticides et écocides». Malgré un faible nombre de militants actifs et un budget annoncé comme inexistant, BreakFree Suisse espère contraindre la place financière à des désinvestissements massifs dans les énergies fossiles.

«La question du climat et de l’environnement n’est pas une question à part, ni la question centrale qui transcende les clivages et dépasse tous les autres enjeux. Pour nous, il n’y a pas de justice environnementale sans justice sociale», assure Teo Frei, membre de BreakFree Suisse. A l’instar d’Extinction Rebellion, ce collectif, essentiellement basé à Genève, prône la désobéissance civile. Mais sa stratégie diffère sur un aspect: ses cibles sont surtout les banques.

Des opérations coups-de-poing

Le groupe a réalisé son coup d’éclat en novembre 2018, quand 12 militants ont fait irruption dans le hall d’entrée de Credit Suisse à Lausanne, mimant une partie de tennis. L’objectif était d’interpeller Roger Federer sur les investissements liés aux énergies fossiles menés par la banque, dont le Bâlois est l’un des principaux ambassadeurs. L’«opération Roger» devait «montrer l’impact néfaste de ces banques en matière d’environnement» comme d’autres opérations «mains rouges» – des traces de mains en sang sur les murs.

Ces actions coups-de-poing ont un coût pour le mouvement. Des militants sont poursuivis pour violation de domicile, manifestation sans autorisation et refus de se conformer aux ordres d’un agent de police. Des amendes de 900 francs ont été prononcées, contre lesquelles les militants ont fait recours.


Cette «galaxie verte» n’est de loin pas exhaustive...

D’autres acteurs auraient pu y figurer. Aux côtés du WWF et de Greenpeace, Pro Natura est un interlocuteur inévitable lorsqu’on traite de biodiversité en Suisse. Grâce au Prix Nobel Jacques Dubochet, la branche suisse de l’association Grands-parents pour le climat a voix au chapitre. Les Aînées pour la protection du climat montrent aussi que le troisième âge est concerné par l’urgence climatique. Si toutes ces organisations ne sont pas forcément très puissantes et très organisées, la plupart savent utiliser internet pour être plus visibles – et plus efficaces.


Ci-dessous: «Grévistes du climat, qui sont-ils?», une vidéo du «Temps»